Les Brames ont beaucoup de reflemblance avec ces Prêtres
Égyptiens, dont Strabon nous a laiifë le portrait ; un certain
Choeremon, dit-il, qui cultivoit ïAflronomie, ayant accompagné
le Commandant Ælius-Gallus dans fori voyage en Êgypte, les
Prêtres fe moquèrentprefque de lui , tant ils étoient pétris d’ignorance
& de préfomption.
On voyoit encore, continue Strabon, les maifons où Eiidoxe
& Platon avoient tenu leur domicile ; en effet , ces deux Philofophes
firent un voyage en Êgypte, & furent en commerce de fociété
pendant treiie ans avec les Prêtres Egyptiens ; ceux-ci poffédoietit
la fcience des Aflres, mais ils s’en réfervoient le fiecret, & ne
voulôient en aucune façon communiquer leur favoir ; cependant
à force de patience, de prières & de complaifances, nos Philofophes
apprirent d’eux quelques préceptes ; mais ces barbares en
cachèrent bien davantage. ' ,
Les Brames ne font guère plus communicatifs aux Etrangers
que ne f’étoient les Prêtres Égyptiens, iis ont ia même répugnance
à faire des élèves ; un Indien ou Gentil peut quitter
fon culte; il lui eft libre, par exemple, de fe faire Chrétien
ou Mahométan, on fe contente, pour toute punition, de
l’exclure de là Cafte ou Tribu ï mais un Mahométan ou
quelqu’autre habitant que ce foit, quelque religion qu’il pro-
feffe ne peut embrafter celle des Brames ou des Indiens ; elle
eft exclufivement attachée à la naifiànce, c’eft une efpèce
d’héritage; de forte que pour être Gentil de Religion, il
faut être né Gentil.
On ne doit donc pas s’étonner fi des gens nés, nourris
& élevés dans ces principes, ne cherchent point à làtisfaire
ceux que la curiofité porte à s’adreflèr à eux pour s’inftruire
de leurs moeurs , coutumes, cérémonies & religion. *
Cette
d a n s l e s M e r s d e l I n d e . 89;
Cette difficulté que j’entrevis dès le commencement de
mon arrivée à Pondichéry, & que je trouvai en effet par la
fuite, fait que je regarde encore l’Indoftan comme un pays
bien neuf pour nous, & fort difficile à connoître; il faudroit,
pour en avoir une connoiflànce telle que celle que le Chevalier
Chardin nous a laiffee de la Perle, y palier un grand nombre
d’années & y dépenlèr des fommes immenlès ; car les Brames
aiment beaucoup l’argent. Un lèul homme même ne feroit
pas fuffifant & ne pourroit embraflèr tout le pays; il faudroit
que de làvans Voyageurs fe difperlàflênt dans différentes
provinces, qu’ils agifleht de concert, qu’ils fuflënt en correspondances;
fur-tout, il'feroit nécelïàire qu’ils pofledaffènt à
fond la langue làvante, pour lire les livres Indiens, autrement
01111e recueillera jamais que très-peu de faits, encore reliera-t-il
bien de l’incertitude.
Ces confidérations font caulë que j’ai mieux aimé ne mettre
dans mes journaux que quelques faits fuffilàmment avérés.
On lait que la prefqu’île, en-deçà du G ange, qui fe termine
au Sud par le cap Comorin, a la côte de Coromandel,
où eft fitué Pondichéry à l’Orient, & 1a côte de Malabar à
l’Occident.
Lés Indiens de ces deux côtes font diftingués comme tous
les autres peuples de l’Indoftan, en différentes caftes ou
tribus.
La côte de Coromandel eft habitée par lesTamouîts, ou
Tamulaires en françifant le mot, quoique nous le confondions
fouvent lous le nom de Malabar, avec les habitans'de l’autre
côte.
Les Tamoults le difent tous originaires du T'ahjaour <Sc
du Maduré ; deur langue eft la même, & la langue des
Ts>me I. M