A l’égard des Européens, qui iront à force de voiles, de
leurs ports, faire la guerre contre ies gens de i’Inde, mon
opinion efl; qu’ils la feront toujours avec défavatitage, à
moins qu’ils n’y emploient des fournies, immenfes, ce qui
ii’eft guère à préfumer; puifque ce feroit tout à pure përte; ils
ruineront leur commerce, les manufactures feront abandonnées,
i’argent fera caché, enterré ou tranfporté dans le Nord, &
les Européens ne pourront charger leurs vaiifeaux.
Les gens de l’Inde me paroilfent, vis-à-vis de nous autres
Européens, à bien des égards, ce que les Parthes étoient
vis-à-vis des Romains. M. de Montefquieu , dans fon excellent
Livre fur la grandeur & la décadence des Romains, donne la
raifon pour laquelle les Parthes ont toujours réfillé aux
Romains : Voici ce qu’il dit.
« La difficulté conliftoit 8c dans la fituation des deux
» Empires 8c dans la manière de faire la guerre des deux
» peuples. Prenoit-on le chemin de l’Arménie............... l’armée
» étoit demi-rninée avant d’arriver .
» Quant à la manière de faire la guerre des deux Nations,
» la force des Romains confiftoit dans leur Infanterie, la plus
» forte, la plus ferme 8c la mieux difciplinée du monde.
» Les Parthes n’avoient point d’infanterie, mais une Cavalerie
»» admirable ; ils combattoient de loin 8c hors de la portée des
»armes romaines, le javelot pouvoit rarement les atteindre;
» ils aiîîégeoient une armée plutôt qu’ils ne la combattoient,;
» inutilement pourfuivis, parce que chez eux fuir c’étoit com-
» battre , ils faifoient retirer les peuples à mefure qu’on
» approchoit, 8c ne laiiîbient dans les places que les garnifons,
» 8c lotfqu’on les avoit prifes, on étoit obligé de les détruire;
» ils brûloient avec art tout le pays autour de l'armée ennemie,
& lui ôtoient jufqu’à i’herbe même ; enfin, ils faifoient à-peu- «
près la guerre comme on la fait encore aujourd’hui fur les «
mêmes frontières. ! «
D ’ailleurs, les légions d’Illyrie 8c de Germanie qu’on«
tranfportoit dans cette guerre, n’y étoient pas propres ; les «
Soldats accoutumés à manger beaucoup dans leur pays, y «
périflbient prefque tous. «
Ainfi, ce qu’aucune Natiop n’avoit pas encore fait; d’éviter «
le joug des Romains, celle des Parthes le fit , non pas comme «
invincible, mais comme inacceffible ( Conftdérations Jur les «
caufes de la grandeur & de la décadence des Romains. «
Nouvelle édit. Laufanne, ”
Il me femble, d’après l’idée que j’ai prife de l’Inde étant
fur les lieux, qu’on peut appliquer une partie de ces mêmes
raifonnemens aux Européens 8c aux habitans de l’Inde.
Il n’y a, je le répète, qu’une Puilfimce maîtrëife abfolue
de tout Madagafcar, qui puilfe aplanir toutes ces difficultés.
C H A P I T R E I I .
D e quelques points de la Religion des Indiens
Tamoults, avec des Remarques fur le fixième volume
des Cérémonies religieufes des différens Peuples Édition de
de la Terre, qui traite de la Religion des Gentils. Par,5‘ ,7^1'
J e ne connois point de Voyageur qui ait mieux faifi le
fond de la Doiftrine des Indiens que l’ont fait Holwell 8c le
Doéteur Bernier : ce n’eft pas qu’on ne trouve ailleurs des
çhofes très-curieufes fur la croyance des Gentils. Tavernier,