la plus grande force pendant la matinée ; les grains ne faifoient que
fe fuccéder fans interruption avec des raffaies très-fortes ; on voyoit
que le vent cherchoit à gagner l’Oueft, mais la force qui le faifoit
fouffler, le ramenoit toujours au Nord-oueft & Nord-nord-ouert’
fur le rivage la mer étoit effroyable , & lë temps fi épais qu’on ne
voyoit pas à une demi-lieue du côté des terres. A 3 heures après
midi, les vents avoient déjà gagné l’Oueft-fiid-oueft ; de 3 à 6
heures, ils n’ont fait que varier de l’Ouelt à l’Oueft-fud-oueft , mais
la barre qui, le matin étoit effroyable, déployant alors à plus d’une
encablure ( cent toifes ) de fon bord, étoit, à 6 heures confidérable-
ment tombée , de forte que le vent, au lieu d’augmenter, n’a plus
été fi fort; la pluie fut très - abondante. De 6 à. 8 heures, il a
encore beaucoup venté & plu par grains. De 8 à 10 heures, les
vents s’étôient encore rapprochés du Sud. De 1 o heures à minuit, il
n’a plus venté que par raffaies (rès-éloignées ; alors les vents étoient
au Sud-oueft ; là ils ont ceffé de fouffler. C ’eft ainîi que finiffent
les coups de vents ; quand ils font près d’expirer , ils n ’envoient
plus que quelques bouffées, & plus elles font éloignées entr’elies,
plus le coup de vent tire fur fa fin ; au refie celui-ci fut foible:
mais depuis 9 heures du matin jufqu’à 10 heures du foir, les grains
n’ont- fait que fe fuccéder, & à mefure que le tourbillon vouloir
tourner, le point de l’horizon, d’où le vent aüoit fouffler, devenoit
plus gras & plus embrumé.
L a Lune fut pleine le 2 5 à i l 1 20' du fo ir , & le dernier quartier
fut le 1. Novembre a 5 1 2 9 ' du foir , par où l ’on voit que le coup
de vent appartient plus au dernier quartier qu’à la pleine Lune;
mais ce coup de vent eft bien plus remarquable, en ce qu’il arriva
contre .la règ le ordinaire , & qui ne fe dément jamais des coups
de vent de la partie boréale du globe'; ils commencent au Nord-eft
& tournent au S u d -o u e ft par l’Eft. Nous allons donner la'raifon
de cette fingularité.
A Madras , ou le même coup de vent fe fit fentir , il foüffla c-iï
Nord-oueft au Nord-eft ; il fut terrible, & il caufa beaucoup d8’
dommages dans {a ville.. E n rade, il y avoit fix Vaiffçauxmouillés,
du
du nombre defquels étoit le Vaifîèau pour l’Europe, richement
chargé & prêt a mettre à la voile, il fût même parti beaucoup
plus tôt, s’il n’eut pas été retenu par les divifions qui régnoient dans
le Confeil de Madras ; il y avoit auffi en rade une pale de quatre à
cinq cents tonneaux qui venoit de Bengale; cette pale appareilla
lorfque les vents étoient encore de terre ; elle gagna le large ; après
elle appareilla le vaiffeau d’Europe ( à la fin de 1770 on ignoroit
encore ce qu’il étoit devenu ) : à vingt lieues au large, la pale fut
obligée de couper fes mâts fans en excepter un feul ; elle fut huit
jôurs à fe rendre à Pondichéry, c’eft-à-dire, à faire trente lieues ;
elle avoit quatre bambous ( efpèce de rofeau connu ) à lui fervir de
mâts, le tout tenu avec des cordages mal en ordre. Pour expliquer
ce phénomène du coup de vent arrivé à Pondichéry, j ’ai fuppofé
que l’ouragan arrivé à Madras, fut le vrai coup de vent, puifqu’il
varia du Nord-oueft au Nord-eft; que celui de Pondichéry n’avoit
été qu’un coup de vent de réflexion, c’eft-à-dire, l’ouragan de
Madras réfléchi par les, montagnes qui font dans le Nord - oueft
§î l’Oueft de Pondichéry.
N O V E M B R E .
rSaifon pluvieuTe.
La faifon des vents du Nord-eft fe déclare rarement fans fe faire
précéder par un coup de vent & par les pluies ; auffi le coup de
vent, dont je viens de parler, décida la fàifon pluvieufe, qui commença
du 4 au 5 ; auparavant, le temps fut fort inconftant &
orageux : on eut auffi des journées chaudes.
Depuis le 6 julqu’au 29 , qu’on commença à voir quelques
¡Etoiles le foir, le temps fut prefque toujours ou pluvieux , ou
couvert ; on n’a prefque pas vu le Soleil pendant cet intervalle.
Dans cette faifon, le temps eft toujours fombré, encore qu’il ne
pleuve pas; il femble que tout le Ciel va fe difloudre en pluie :
mais c’eft principalement pendant la nuit qu’arrive la grande pluie,
car il en tombe beaucoup plus la nuit que le jour.
Tome I . K rr