du moins partageons notre admiration entre ies ouvrages
des Indiens & ceux des Égyptiens ; les Indiens me paroiflent
originaux, & je pe.nfe que les Égyptiens n’ont travaillé qu’à
leur imitation. Si on a tant parié de leurs ouvrages en
Europe, c’eft que l’Égypte eft à notre porte, que l’Inde eft
trop loin, 8t qu’elle a été de tout temps d un abord tres-difficile
aux Étrangers.-
Je viens de dire que les Indiens font fort adroits; on y
voit des efcamoteurs, des joueurs de goblets & des faifeurs
de tours de force qui furpalfent, dit Grofe, en habileté;
tous ceux d’Europe. C ’eft ce que je n’oferois aiTurer ; il eft vrai
que. Pondichéry étant nouvellement rétabli lorfque j’y étois ,
& n’ayant pas encore repris fon ancienne fplendeur, je n y ai
fans doute vu que ce qu’il y avoit de plus foible en fait de
faifeurs de tours. Malgré cela j’ai été très-fatisfait de ceux que
j’ai vus; mais j’ai entendu dire des choies fi fingulières & fi
merveilleufes de ces farceurs en général, que je n’en rapporterai
aucune de toutes celles qu’on nia racontées ; d’ailleurs
il peut avoir échappé quelque trait, quelque circonftance,
à ceux de qui je les tiens ; & la moindre circonftance fait
tout dans ces fortes de chofes : je ne parlerai donc que de
ce que j’ai vu.
Ces mêmes faifeurs de tours ont, comme l'on fait, la
réputation d’être familiarités avec les couleuvres les plus veni-
meufes, de les apprivoifer, de les manier, & de les faire
danfer au fon d’une elpèce de petite mufette : je crois encore
qu’on a outré la matière & qu’on a débité beaucoup trop de
merveilleux à ce fujet : on trouve dans le fixième volume
des Cérémonies religieuses, une remarque fort judicieufe fur
ces faits.
On ajfure que les Prêtres indiens, ont le pouvoir de charmer Eanù Vltl,
¿T de conjurer les ferpens, en forte qu’ils leur ôtent la force ch^.'fr.pagà
de nuire. ^ ¡ t j t r j io .
Pirard de Laval rapporte dans fes Voyages, que dans les
Indes, on trouve des gens qui courent le pays pour mettre en pratique
un A rt, lequel peut-être ne confifle qu’en une adrejfe de
Charlatan, jointe à la connoiffance de quelques drogues particulières;
c'ejl ce que le Minijlre Baldoeus confirmepar lexemple d ’un
Soldat allemand, qui, par le moyen de quelques préfrvatifs, manioit
fans cejfe ces reptiles venimeux, & même les mettoit à coucher auprès
de lui dans fon lit. Ce bon Minijlre hollandois avoue que d'abord
il foupçonna l’allemand d'être forcier ; mais il ajoute enfuite que
les Indiens de Coromandel & de Malabar ontr l’art de charmer
les ferpens & de les faire danfer par la force de leur chant.
Ne pourroit-on pas croire que le chant n’ejl qu'un accejfuire
trompeur dont ces Indiens fe fervent pour perfuader qu’ils n’ufent
aaucun prefervatf! D ’ailleurs le Minijlre pouvoit-il être ajfuré
que les ferpens n’étoienl pas apprivoifés de longue main : rien
n'eft plus ordinaire que de voir au Grand-Caire de ces couleuvres,
que ceux qui les ont apprivoifees portent dans leur fein & touchent
fans en recevoir aucun mal.
J ai vu à Pondichéry un jeune Indien qui étoit très-familier
avec les couleuvres, c’étoit même avec une des elpèces les
plus dangereufes, c’eft-à-dire, la couleuvre appelée couleuvre
cápele, du Portugais cobra de capelo; parce que ce ferpent
a en effet comme un chaperon qui lui pend derrière la tête:
Tavernier en parle , & la figure qu’il en donne eft exaéte ;
la morfure de ce ferpent eft mortelle, & je fuis témoin d’un
exemple bien tragique arrivé dans un jardin à Pondichéry par
la morfure d’un de ces ferpens, en la perfonne d’un Indien;
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