Les reftes de cette Aftronomie m’avoient paru, par ces
raifons, très-précieux à recueillir.
Il y auroit, fans doute, matière à faire des remarques
curieufes & intéreifantes fur cette Aftronomie ; mais les différentes
autres parties du Journal de mon voyage m’ont occupé
jufqu’à ce moment, & m’occupent encore à un point que je
ne peux rien tenter fur cette partie avant d’avoir mis fin au
refte de ma narration.
Je dirai feulement , en palïànt, que la théorie de la Lune,
telle que les Indiens font aujourd’h u i, toute imparfaite qu’elle
éft encore., eft certainement le fruit des méditations profondes,
auxquelles les Brames de nos jours ne me paroiflènt guère
capables de pouvoir le livrer.
Le climat fait tout , félon l’opinion de Chardin 1
(voyei ci-devant, page 2 1 6 ) , & félon un auteur Elpagnoi
Francifcain', dont j’aurai occafion de parler dans le tonie
fuivant. Si Newton fût né dans l’Inde, au milieu de la cafte
des Brames, ce génie, qui a étonné l’Europe par lès grandes
découvertes , n’auroit vraifemblablement été qu’un génie de !r
Brame, c’eft-à-dire , incapable de fe livrer à la recherche du
Syftème du monde, & de perfectionner la théorie de il
Lune qu’il auroit reçue des Brames fes prédéceflèurs, & fon
nom feroit ignoré.
La période de 24.8 jours, qui d’abord ne paroît pas
réfléchie, a beaucoup de reffemblance avec notre hypothèfe
elliptique fimpie. Il m’a paru que les Aftronomes qui font les
Auteurs de cette période, ont iùppole, pour plus grande
facilité, l ’apogée de la Lune immobile, & qu’ils ont attribue
à la Lune le mouvement de l’apogée ; en effet, fi l’on fuppofe
la Lune apogée; par exemple, le i , cr Janvier à midi, il »fi
d a n s l e s M e r s d e l ’I n d e . '3 13
certain qu’au bout de 2 4 8 ' jours, elle fê trouvera encore
apogée à midi. II faut de plus obferver une cbofe digne de
remarque; c’eft que les diamètres appareils de la Lune, que
l’on tire de la période de 248 jours des Brames, cadrent
affez bien avec ceux que l’on déduit de l’hypothèfe elliptique
fimpie:: car, quoique le diamètre de la Lune ne foit pas,
rigoureufement parlant, la vingt-cinquième partie de fon
mouvement diurne ; cependant il eft vrai de dire qu’il en
approche beaucoup dans le cas où l’on emploie i’hypothèlè
elliptique fimpie pour repréfènter le mouvement de la Lune
dans le temps des fyzygies, le feul point, comme je l’ai fait
obferver, dans lequel les Brames confidèrent le mouvement
de la Lune ; en forte qu’aucun autre nombre que :2 5 ne
fatisfait auifi-bien à la queftion. II eft aifé de fe convaincre de
cette vérité, en comparant les diamètres de la Lune tirés de
Ifon mouvement journalier pendant la période de 248 jours
des Brames’, avec ceux que donnent M.rs Caffini & Halley,
¡dans leurs ^Tables pour le temps des fyzygies.