Partie I V,
chap. XXIX,
page i if.
Juiv, édition
d ’ Amjierdam,
des parfums & des eaux de fenteur fur les perfonnes qui corn-
pofent l’affembiée, & on paffe à chacune un grand collier
fait de fleurs de mougry, dont je parlerai dans le chapitre
fuivant : o r , tout le monde ne peut pas fe faire porter dans
le palanquin , & ceux qui peuvent s’en fervir n’ont pas pour
cela le droit d avoir des piques ou des pandals.
Pour venir à l’Indien, dont je vais donner l’hiftoire, il
crut que là qualité de Serviteur de la Compagnie des Indes,
lui donnoit le droit de s’élever au-deiîus de fa tribu, & ayant
obtenu du Confeil Supérieur de Pondichéry, la permiiTion
d’ufer de quelques marques de diftinétion qui ne lui étoient
pas dues felon fa cafte ( je ne me rappelle pas ce que c’étoit ) ;
il fe promena tête levée dans Pondichéry; mais il y eut
bientôt une émeute générale dans les autres caftes, on
s’attroupa, on s’arma de bâtons, 8c la révolte fuivit ; nos
domeftiques Indiens nous quittèrent pour aller groflïr le
nombre des révoltés ; bien-tôt toute la ville Blanche le trouva
réduite à fe fervir elle-même : les procédions furent troublées,
le pandal fut abattu, & l’Indien forcé de fe renfermer dans
les cérémonies que lui prefcrivoit l’uiâge du pays.
Inutilement voulut-on le protéger, en lui donnant des
Gardes ; ce fçit pis encore, on fut obligé de céder ; la chofe
devenoit de la dernière conféquence pour les Européens,
déjà les nourrices parloient d’abandonner leurs nourriçons
( on fe fert à Pondichéry d’Indiennes pour nourrices ).
Le frxième volume des Cérémonies religieufes rend juftice aux
Indiens furdeur attachement à leurs anciens uiàges , & réfute
Athénée, qui, fur le rapport de Charès de Mitylene, avoit
avancé que les Indiens étoient gens adonnés à la boiffon :
il y eft auift parlé de Quinte-Curce, qui dit que tous les
Indiens avoient une forte inclination pour le vin & qu’ils en
buvoient beaucoup: (ab ifdeniginum mimftratur, cujus omnibus
Indis largus eft ufus).
L ’auteur de la relation, cité dans ce volume des Cérémonies
religieufes, tâche de difcuiper les Indiens des fauffes accufations
d’Athénée 8c de Quinte-Curce; il cherche à concilier les
paflâges de ces deux Auteurs avec la façon dont vivent
actuellement les Indiens.
Sans entrer dans un trop long détail, j’ajouterai cpi’il me
paroît difficile que les Indiens fe foient comportés anciennement
différemment de ce qu’ils le font aujourd’hui, 8c que d’ivrognes
ils le foient métamorphofes en gens fôbres; que la coutume
me paroît avoir un grand empire chez eu x , 8c qu’il eft très—
vraifemblable qu’ils ont été fur l’article de la boiffon , tels
du temps d’Alexandre qu’ils le font aujourd’h u i, püifqu’ils
formoient déjà un peuple policé, tel qu’on le voit aujourd’hui.
Quinte-Curce me paroît un Auteur très-fufpect lorfqu’jl
parle de l’Inde ; on ne doit pas ajouter foi à ce qu’il
en dit.
Les Indiens ont encore une tradition d’Alexandre, auquel
ils donnent une épithète bien différente de celle de Grand,
dont les Occidentaux 8c les Auteurs latins lont honoré;
j’en excepte cependant Sénèque que Gui-patin cite dans fès
Lettres, p. ¿¡.p 8 , 8c qui appeloit Alexandre un jeune éventé
8c un voleur de tout le monde, vefanus adolefcens, infelix
proedo orbis terfarum, ¿Èc. On voit encore dans llndoftan
une ville bâtie par Alexandre, nommée Scander - Abad,
de Abad ville, 8c de Scander Alexandre.
Les Indiens ont raifon ; car fi ce conquérant a du paraître
mériter aux Auteurs de fon hiftoirej Iç nom de Grand, ce
N ij
Quinte-Curce,
lib, VIII,
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