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Plufieurs habiles Navigateurs, rebutés de la longueur &
des fatigues iriieparables de la grande route, ont cherché,
dans ces derniers temps , les moyens de l’abréger. D e ce
nombre font M .rs Daprès de Mannevjilette Sc M. de Joanuis;
mais ces deux grands Marins ne s’accordent nullement entr’eux
fur la route qu'il faut prendre de préférence à la grande.
•Qn a pareillement eflàyé d’abréger la petite route, en
allant par 1 archipel qui <jft au nord de l’Iile-de-France, au
lieu d’aller prendre connoiflânce, comme l’on fait, du cap
d’Arpbre au nord de l’île de Madagafcar.
Plufieurs Pilotes Portugais de Macao m'ont afliiré que cette
route avoit été pratiquée anciennement par les Vaiffeaux de
leur nation; qu’elle avoit été abandonnée, fans avoir ,pu m’en
donner de raiion. Peut-être la trouvoient - ils trop pleine
d îles ; -mais quoiqu’elle paçoiflè en effet fort embarraflee fur
les Cartes , cette route n’effraya pas l’Amiral Bofcawen,
quand il fut, en 1748 , de i’ifle de France à Pondichéry;
cependant cet Amiral Çonduifeit une fiEcadre de douze ou
quinze rVai fléaux.
n EîJ 'i ,754iulVh Dapres alla de l’Ilfe-de-Framce à Pondi-
chery, par la route de l’Amiral Bofcawen -(. c’eft aiarfi qu’on
la nomme dans lln d e ) . M. de] la Carrière., Capitaine de
Vaiflêaux de l ’Inde, qui mérite d’être connu à beaucoup
d égards,, vint à Pondichéry par la tnéne rouie, en 1 7 6 8 ,
bai’fque j ’étais en cette ville. D ’après ces deux tentatives,
les feules que je connoiflè & dont j’aie les journaux, il ma
paru fort difficile de décider laquelle eft la meilleure, S i
fur-tout la plus courte, ou de cette nouvelle route ou tfe
1 ancienne. M. de la Carrière, en me donnant une copie ¡de
fon Journal, m’aflura en même temps que cette nouvelle
d a n s l e s M e r s d e l ’ I n d e . 39
route doit avoir la préférence fur l’ancienne ; que pour lui,
il n*en fuivroit jamais d’autres ; & qu’il y avoit environ un
cinquième de temps à gagner, ou lèpt jours fur trente-cinq.
M. Daprès a trouvé par cette même route beaucoup de
calmes, des vents contraires ,c& des différences confidérables
occafionnées par les courans; & cela pendant qu’au nord de
la Ligne, la mouflon de l’Oueft étoit dans là force; & l’O fficier
de qui je tiens le Journal de ce voyage, m’aflura que
M. Godeheu, qui étoit forti de i’Ifle-de-France huit ià> dix
jours après M. Daprès, & qui avoit fuivi la route ordinaire,
rencontra M. Daprès fous l’île deCeylan, moins avancé qu’il
n’eût été s’il avoit fuivi l’ancienne route.
Je m’amuiài auflï pendant, mon féjour à Pondichéry, à
prendre quelque connoiflânce de i’Aftronomie, de la Religion,
des Moeurs & des Coutumes dés Indiens Tamoults,
que fort improprement nous appelons Malabars.
C e que j’avois entendu dire de leur Aftronomie avoit
piqué ma curiofité; mais ce qui acheva de i ’éguiiionner ,fù t
la facilité avec laquelle je vis: calculer devant moi, à un de
ces Indiens, une éclipfë de Lune que je lui propolài , la
première qui me vint en idée. Cette éciiplê, avec tous les
élémens préliminaires, ne lui ¡coûta pas trois quarts-d’heure
de travaili Je lui. propolài de me mettre en-état ¡ d’en faire
autant, & de me donner tous les jours une heure ffe ion
temps. H y çonfèntit ■ & lui ayant demandé en combien* de
temps je pouvois efpérer d’être au fait de calcufer une éciiplê
de Lune, félon fa méthode, il me ¡répondit, avec un àîr qui
refpiroit un peu l ’amour-propre, qu’avec de la diipofitioft1,
j’en pourrois faire autant . que lui au bout de fix femai nés.
. Cette réponJé ne me rebuta pas, elle ne fit que me rendre