matin; ils les remettent ce jour-là comme ils ont fait le
premier , jufqu’à onze heures environ du matin. Us continuent
cette cérémonie pendant trente jours; temps apparemment
fuffifant pour fécher la bouze de vache.
• II y a des Gentils qui, fans tant d’apprêts, fe contentent
de faire des petites galettes de bouze de vache, les collent
contre les parois de leurs maifons, & y attachent des fleurs
de citrouille.
Le jour du potigol venu, les familles lé raflèmblent, &
avec la bouze de vache féchée de la façon dont on vient
de vo ir, elles cuifent du riz dans du lait & le mangent
enfèmble.
On voit des aires de différentes formes , outre la forme
carrée, félon l’état ou la diflinélion des familles ; il y en à
de contournées comme des ouvrages de fortification : les
plus ordinaires font carrées comme dans la figuré a , b , c , d,
ou bien elles .ont fimpiement quatre ailes comme on voit
dans la même figure (Planche III).
Le jour d’après le pongol on fait promener les vaches en
grande cérémonie, on les orne de fleurs & on les lâche dans
les campagnes ; elles s’y promènent à leur aife au milieu
des acclamations de tout un peuple aveuglé : voici ce qu’ils
racontent à ce fujet.
Un jour, une vache rencontra un tigre fur fôn chemin.
L ’animal carnacier étoit prêt de le jeter fur la vache & d’en
faire fa proie, lorfqu’elie lui repréfenta qu’elle avoit un enfant
qu’elle alaitoit, qu’il alioit périr fi fa mère périlfoit ; elle le
fupplia donc de la laiflèr aller donner à teter à ion enfant,
avec promefië de fa part qu’elle reviendroit fe livrer elle-
même à lui pour lui fervir de pâture, dès que lion enfant
feroit en état de fe paffer d’elle : on fe doute bien que le
tigre fit beaucoup de difficultés ; il répondit à la vache
qu’elle mentoit, qu’elle ne reviëndroit pas & qu’il ne vouloit
pas être fa dupe, &c. ( Je rapporte ici mot pour mot les
paroles de l’Indien qui m’a raconté cette fable.)
Cependant la vache redoubla fes initances, & fupplia le
tigre fi pathétiquement qu’elle le perfuada ; il fe rendit donc
à l’amour de la vache pour fon enfant, & la laiffa aller. La
vache tint fa parole au tigre; elle revint au même endroit
après quelque temps : le tigre s’y trouva & fut, on ne peut
pas plus, frappé d’admiration de la conduite de la vache ;
mais au mêifie moment il tomba mort à fes pieds.
On eft étonné que les Indiens aient une fi grande vénération
pour le boeuf.& principalement pour la vache, en
forte que cette vénération dégénère en cuite ; l’un & l’autre
viennent du fèrvice qu’ils en tirent tant pour la culture de la
terre que pour leur propre nourriture. Les Brames ont eu
attention d’en faire un point de leur religion, afin que la
chofe fût plus ftriélement obfervée par le peuple.
Quoiqueles Indiens ne mangent pas de la chair de vache,
ils en boivent, difent-ils, le fang ; or, par le fang ils entendent
le lait, & ce qu’il y a de fingulier , c’eft que leur langue n’a
qu’un feu! mot pour défigner le fang & le lait des animaux:
en vain leur dit-on que le lait n’eil point le fang ; ils rient à
ce propos & relient dans leur opinion.
Je demandois un jour à un Indien pourquoi il ne mangeoit
pas de boeuf, il me répondit que fa religion le lui défendoit,
puis il ajouta qu’il en buvoit le fang comme moi ; d’abord
je ne le compris pas ; il fut obligé de m’expliquer fa penfée;
je dis à cela que le fang étoit bien différent du la it , que pour
en être perfuadé il fuffifoit de voir la couleur de l’un & 'de