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coniequenc© lavent ajouter à cette opération un raffinement
de volupté que je n’ai point éprouvé; il confifte à avoir
une demi - douzaine, & plus , de petits oreillers 8c couffins
extraordinairement mous, étant faits d’une efpèce de coton
très-fin qui vient à de grands arbres nommés ouettiers.
Les perfonnes riches, dis - j e , font couchées fur plufieurs
couffins de cette efpèce ; ils en ont fous la tê te, un fous
chaque coude, un lous chaque poignet, pareillement fous les
genoux & fous les talons.
Ces oreillers contribuent auffi à tempérer la chaleur; les
Européens comme les Indiens , lorlqu’ils font riches, ne
couchent jamais la nuit iàns avoir plufieurs oreillers fur leur
l i t , ils en tiennent prefque toujours un entre les bras : ils en
changent à leur gré quand ils le réveillent ; ils en mettent
auffi fous les bras & fous les jambes.
Les Indiens trouvent tant de volupté dans lülage de ces
couffins ou oreillers, qu’ils repréfentent une grande partie
de leurs Divinités couchées ou appuyées fur des couffins,
(Voyez le chapitre fuivant).
Je doute qu’il y ait fur le refte de la terre un endroit ou
l’on réuffiiîe mieux à prendre les ailes que dans 1 Inde, ou
le pays offre tant d’attraits & de charmes, & ou en memç
temps le peuple foit fi doux.
Chaque climat a fes délices, j’en conviens : fi l’Inde a les
friâions, comme les nomme Grofè, la Ruffie a fes bains,
félon M. l’Abbé Chappe ; mais ces bains ont befoin d’une
cérémonie & d’un aflàifonnement de verges, qui ne furent
pas long-temps du goût de cet Académicien.
Enfin, l’Inde eff tm pays rempli, pour ainfi dire, de magiâ
& d’encfiantemens ; ceux qui y mettent lç pied fç trouvent
J quelque forte métamorpholes , fi l’expreffion eft permife ;
ce pays reflèmbleroit affez en cela à l’île & au palais enchanté
de C irc é , d’où Uiyflè 11e s’arracha qu’avec peine.
C ’eft dommage que ce pays gémiflè fous i’oppreffion des
j Mogols, nation ambitieulè, féroce & barbare.
Grofe c ro it, Sc avec raifon , que les Romains avoient
anciennement connu l’uiàge de fe faire maffer; que Martial
I & Senèque en parlent.
.Voici le paffàge de Martial :
Percurrit agili corpus arte traflatrix,
Manumque doélam fpargit omnibus membris.
Se'nèque, en s’élevant contre le luxe des Romains, lêmbîe
I aulfi leur reprocher ( dit Grofe ) la friüion orientale (d).
L ’Inde eft foumilè aux Tartares, connus, comme on fait,
fous le nom de Mogols. Les Tamoults m’ont dit qu’ils font
plus de quarante Indiens contre un Mogol ; & malgré cela
iis gémiffent fous la tyrannie de ces fiers Conquérans. En
I ivoici la raifon.
Les Indiens font plus fins, plus adroits dans les affaires, &
plus politiques que les Mogols ; mais ceux-ci font plus guerriers.
I En outre, la religion des Brames qui s’eft établie dans fa
J prefqu’Iffe de l’Inde, dont il eft ici queftion, porte avec elle
I la douceur , la paix, la tranquillité, jufqu a l’hoipitaiité. La
I religion des Mogols qui eft venue depuis, eft au contraire
! (une religion deftructive qui ne connoît que le fer ; il ne
I faut donc pas s’étonner fi les Indiens, quoiqu’ils foi en t encore
:de leur propre aveu quarante contre un Mogol, il ne faut pas
s’étonner , dis-je, s’ils font abattus depuis que les Mogols les
, (Vf -An potius optem ut malacijjândos artículos ■ exoletis mais porrigam /
Ut ttütliêfcula aut altquis in mulimulam ex viroverfus digitulós rneos ducat,
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