dompter en ne leur donnant que très-peu de nourriture.
II eft bien vrai que fi ces Indiens, qui font danfer les
ferpens, vouloient effayer de ces couleuvres des champs
qui regorgent de nourriture & de force, ils ne réulîïroient
pas; du moins ce jeune Indien, dont je parle, me l’a affuré:
je lui fis beaucoup de queftions, il m’avoua tout de bonne
foi ; il me dit qu’il ne nourrifibit la couleuvre que d’oeufs,
que pour trois il ne leur en donnoit qu’un par jour ; & fur
ce que je lui difois que ce n’étoir pas allez, que ces pauvres
animaux devoient être exténués & mourir à la longue de
faim ; il me répondit fort ingénument que làns cela il n’en
feroit pas le maître : un jour il m’en fit voir un qui étoit un
peu plus vigoureux que les autres, & avec lequel il n’étôit
pas fi familier ; je lui en demandai la raifon, jl me répondit
qu’il étoit pris nouvellement,
Si dans les exemples rapportés ci-deffus ces couleuvres ne
mordent p o int, c’eft quelles font apprivoifées, exténuées ,
,& qu’on ne les met pas dans le cas de rappeler le peu de
force qu’elles ont pour fe défendre; ce qui arriyeroit infailii-*,
blement fi l’Indien lui-même s’obftinoit à vouloir leur ouvrir
la bouche pour faire voir leurs dents à découvert.
Je ne dilfimulerai pas la frayeur que j’eus un jour a
l’occafion d’un de ces ferpens, malgré tout ce que m’avoit dit
auparavant ce jeune Indien,
Je fus curieux de les voir ramper ; il me donna cette
fatisfaélion en les prenant l’un après l’autre, & les mettant
dans mon Obfervatoire, qui étoit auffi mon appartement.
Ces ferpens étaient fi foibles qu’ils fe traînoient avec la plus
grande lenteur, & on voyoit qu’ils cherchoient les moyens
de fuir ; cependant ils fe laiisèrenî renfermer avec la plus
grande docilité : après avoir renfermé les deux premiers ,
il prit le troifième fe l’entortilla autour du corps ; alors
femblabie à un Laocoon, il vint fe préfenter à moi en me
tendant la main pour recevoir fon falaire. J’étois couché
fur un canapé; la tête de ce ferpent qui fe préfentoit la
première devant moi, me fit faire un mouvement & reculer
promptement en arrière; le jeune homme rit de ma peur,
mais' comme je n’avois pas un vifage fort riant dans le
moment , il enferma vîte là couleuvre avec les autres, &
reçut après ce qu’il m’avoit demandé.
Ce que je trouve de plus fingulier i c i , eft que ces ferpens
foient enfermés enfemble dans le même panier, & que la
faim qu’ils doivent fouffrir dans les commencemens ne les
faife pas fe dévorer les uns les autres.
J’ai trouvé dans Seba plufieurs efpèces de ce ferpent,
avec une petite note relative à chaque elpèce, pour en faire
voir la différence. Cet Auteur a raffemblé dans un gros
volume in-folio tous les ferpens qu’il connoiffoit; mais comme
les deffins de ces ferpens, du moins de ceux des pays éloignés,
n’ont pu être faits que fur des peaux defféchées; je n’aurois
jamais reconnu celui dont je parle, fi je n’étois auparavant
tombé, par une elpèce de hafard, fur la defcription de ce
ferpent, à la tête de laquelle je vis cobra de capelo; car
Seba n’a point marqué le chaperon qui eft un caractère
eifentiel de ce ferpent , & les lunettes qu’il marque fur le
haut du cou , font tout-à-fait défigurées.
On voit ce ferpent très-bien deffiné dans Kempfer &
Tavernier : ce dernier fe contente de dire de ce ferpent, qu’il
nomme Jerpent à chaperon, que les Indiens affurent que l’on
trouve dans le cou & fous le chaperon une pierre nommée