La barre de Pondichéry eft de cette féconde efpèce; elle
eft formée par un banc de fable d’une médiocre largeur, &
ordinairement par trois groffes lames qui fe fuivent à égale
diftance &. fort près l’une de l’autre, qui font élevées de
quatre à cinq pieds, & qui vont brifer à terre avec beaucoup
de violence : c’eft prefque toujours là l’état de la barre
à Pondichéry.
Les bateaux dans lefquels fe paffent ces barres, fe nomment
chelingues, ils font faits exprès; ce font des planches mifes
l ’une au-deffus de l’autre, & coufues l’une à l’autre avec du
fil fait de l’écorce intérieure du Cocotier ; les coutures font
calfatées . avec de i’étoupe faite de la même écorce, &
enfoncée fans beaucoup de façons avec un mauvais couteau.
Le fond de ces bateaux eit plat & formé comme les bords;
ces bateaux ne font guère plus longs que larges, & il n’entré
pas un feul clou dans leur conftruclion. A Pondichéry, les
chelingues ont 4 , 5 à 6 pieds de profondeur. Tout cet
aflemblage de planches, liées ou coufues enfemble, eft exprès
très-flexible, afin que le corps du bateau puiifo obéir à la
barre iorfqü’il la rencontre, fans être dans le cas de fe délier
ou de fe rompre, & les bords, qui font élevés de 5 à é ‘
pieds, garantiffent de la mer : il arrive quelquefois que la
barre eft gonflée, 6c qu’au lieu de 4 à 5 pieds, les lames
en ont 6 à 7 , & même davantage, alors on.efl expaie à
être mouillé; pour l’éviter, on prend la précaution de s’envelopper
d’un manteau ou d’une redingotte : il y a des temps
où il efl: abfolument impoffible de paffer la barre.
A Madras, où la barre eft plus forte qu’à Pondichéry, les
chelingues ont aufli les bords plus* élevés.
Lorfque quelques perfonnes de confidération yont en
rade , le Capitaine de port manque rarement d’avoir l’attention
de faire efcorter la chelingue par un couple de
catimarons.
La barre eft très-forte à Pondichéry, c’eft la même chofe
tout le long de cette côte de l’Inde ; mais il eft à remarquer
que plus on remonte au Nord de' Pondichéry, plus la barre
eft forte ; & plus on defcend au midi de la même v ille ,
plus elle eft petite ; à Madras, elle eft très-forte ; à Pondichéry
, elle eft moindre ; à Négapatnam, elle eft encore
moins, grofte qu’à Pondichéry.
Cet effort continuel de la mer, contre la côte de l’Eft
de cette prefqu’île, fait qu’il n’y a aucun port dans toute
l’étendue de cette côte, depuis l’entrée du Gange jufqu a l’île
de Ceylan; ce qui comprend une étendue de 2,00 lieues
& plus : en général, fi l’on fe donne fa peine d’examiner
la pofition des differens ports qui fe trouvent fur toutes les
côtes connues, on remarquera que le nombre de ces pofts
eft beaucoup plus grand à l’Oueft qu’à i’Eft des terres ; du
moins cette remarque eft vraie pour toutes les parties des
mers de l’Inde que je connois.
Si Pondichéry avoit un Port, cette ville pourrait devenir
la maîtreffe de toute l’Inde, & fur-tout de fon commerce;
toutes les autres parties de. ce beau & vafte pays en devien-
droient tributaires, comme le font de Canton prefque toutes
les Nations maritimes de l’Europe ; comme font été autrefois
tant de peuples de la ville de T y r & de celle de Sydon.
On peut appliquer le même raifonnement à Madfas, &. en
général,.la feule chofe qui manque à cette côte eft un Port;
les François en ont fi bien fenti l’importance, que l’on