Patanes font devenus fi puiflàns qu’ils pourroient bien un
jour faire cette révolution , & délivrer enfin l’Inde de
l’opprelfion des Mogols ; en fuppoiànt cependant qu’il ne
vienne pas de nouveau une nuée d’autres Tartares, q u i,
confervant toute leur force & leur vigueur, ne faflè
éprouver à ce beau pays une nouvelle révolution pareille à
celle qu’il a éprouvée par l’invafion de Tamerlan ; car
ce pays me paroît fait & placé pour les éprouver de temps
en temps, & pour être toujours la proie des peuples du
Nord.
L ’Inde, quoique très-peuplée, ne m’a pas paru l’être au
point que fembleroit l’annoncer le climat. Des caufes morales,
lâns doute, arrêtent 1e cours de la population ; car tout inipire
la reproduétion dans l’Inde.
La chaleur du climat allume dans le iàng une ardeur
douce & raviflànte, l’air femble porter à la volupté ; il femble
qu’on la refpire.
S’il metoit permis ici de conclure par analogie, je ferois
très-porté à le faire après un exemple dont j’ai été témoin,
de l’amour d’un moineau, fait, dont peut-être fes exemples
font rares dans ces climats feptentrionaux ; mais qui doit làns
doute être aifez commun dans l’Inde.
Les’ ruines de la citadelle & de l’ancien palais de M . Dupieix
qui m’ont fervi d’habitation pendant mon féjour à Pondichéry,
& où j’avois établi mon obfervatoire, comme on a vu, étoient
au milieu d’une valte place & de ruines ifolées de maifons
de tous côtés ; ces débris avoient fervi de retraites aux
chauves-fouris, aux corneilles & à quantité d’autres oifeaux.
Lorfque mon Obfervatoire fut achevé, & que je mé
préfentai pour y aller loger avec mes inffrumçns, toute cette
Volatile me céda la place fans la moindre réfiftance; mais il
me fallut diiputer le terrein contre trois à quatre moineaux,
ils furent pendant plus de quinze jours d’un acharnement
fingulier & opiniâtre contre la charpente & le to it , fitôt
qu’une des portes ou des fenêtres étoit ouverte ils 11e man-
quoient pas de fondre dans l’appartement, faifoient un bruit
& un tapage fingulier, fe battoient & me faifoient continuellement
tomber de petits plâtras, parce que du bec & des
griffes ils cherchoient à fe faire des trous pour nicher : ce
manège me troublant , j’eflâyai en vain à diverfes reprifes
de les déloger avec ' de longues perches. C ’étoit toujours.
inutilement, car ils revenoient le moment d’après, 8c c’étoit
continuellement à recommencer; je fus obligé, las & fatigué
que j’étois de leur réfiftance, de prendre le parti de l’accommodement
; je plaçai contre le mur, proche une encoignure
attenant au toit & en dedans de mon obfervatoire, deux
pots de terre propres à fervir de demeure à ces opiniâtres
oifeaux. Ils ne manquèrent pas de s’en emparer aufli-tôt, y
logèrent, & dès ce moment ils me laiisèrent tranquille, je
pouffai même l’attention jufqu’à faire percer le haut d’une
de mes portes la plus à portée des pots de terre, & j’y fis
pratiquer un trou rond de quatre à cinq pouces de diamètre
pour la commodité de mes nouveaux hôtes. La femelle
paiîoit la nuit dans fon nid, le mâle la laifloit & s’en alloit:
de grand matin il étoit de retour, venoit chercher fa femelle
& ils fortoiént enfemble.
Mes domeftiques Gentils, qui peut-être dans l’intérieur
avoient été fenfibles à la petite guerre que j’avois faite pendant
quelques jours à ces moineaux, me parurent d’un contentement
fingulier lorfqu’ils virent que j’avois enfin donné afile
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