& dans Ja grammaire Tamulaire du P. Conftance-JofepK
Befchio, Jéfuite Italien, Miffionnaire, imprimée à Trait-
guebar en 1728 , de laquelle j’ai apporté un exemplaire.
Ces Auteurs traitent ces nombres de rêveries, de contes
& de fables : iis ont certainement raifort, quant à ce qui
regarde la durée du monde ; mais ils n’ont trouvé ni les
uns ni les autres, la folution de ces nombres, qui fervent
cependant d’époque aux Brames, généralement pour tous
leurs calculs aftronomiques.
Cette prétendue durée du monde, & celle de fes diffêrens
âges, me parurent aulfi, dans les commencemens, fi grolîiè-
rement forgées, & les nombres tellement employés au hafard,
que je fus quelque temps fans daigner me donner la peine
d ’examiner d’où ils pouvoient provenir. Le maître que
j’avois, me les rappelant l'ouvent en faveur du fyftème dés
Indiens fur leur antiquité ; je me rappelai de mon côté que
dans les calculs que j’avois faits feus fes yeux, il m’avoit fait
fuppofer un mouvement dans les Etoiles, de 54 fécondés
par an; je foupçonnai dès-lors que tous ces âges pouvoient
bien être un certain nombre de révolutions de i’équinoxe.
Je ne fus pas long-temps à m’en affiner; je trouvai donc
devant mon maître, que les quatre âges de là durée du monde,
dont les Indiens fe vantent avec tant d’emphafe, ne font que
des; périodes aftronomiques qu’on peut faire remonter à
l’infini; car fi-tôt que les Brames fuppofent la préceffion des
équinoxes de 54 fécondes par an, la révolution du ciel
entier fera de 24 mille ans. Or, les âges rapportés ci-defliis
font tous divifibies par 24000; d'où il fuit que ce font
autant de périodes du mouvement des Etoiles en longitude.
Cette efpèce de découverte ne parut pas faire grande
împrêffion fur mon maître, & encore moins fur un Brame
à qui j’en fis part; foit qu’il le fit exprès, foit qu’il fût dans
le préjugé comme le refte du peuple. Ma miffion, à Pondic
h é r y , setant répandue dans une partie de l’Inde, & fur-tout
le long de la côte, ce Brame étoit venu de Tirvalour ,
proche de Karicai, à trente lieues dans le fud de Pondichéry,
pour me v o ir , à ce qu’il me dit. II s imagina peut-etre que
je devois être une efpèce de Brame dans ma nation; car
chez eux, aucune famille que celle des Brames ne peut fe mêler
d’Aftronomie. Les Indiens s’en rapportent avec une confiance
aveugle à ce que leur difent ces Brames fur tout ce qui a
rapport à cette lcience.
Ce Brame me fut préfenté par mon Interprète Maleapa,
qui étoit alors mon maître : je lui fis quelques queftions fur
l’ancienneté de l’Aftronomie qu’il profeflbit, & principalement
fur la préceffion des Équinoxes ; lavoir fi tous les Brames la
fùppofoient de 54” ; pour lui il ne me fit pas la moindre
queftion. Je lui fis voir les Vaiffeaux de la rade au travers
de la lunette de mon quart-de-cercle, dans une pofition
renverfée ; il les regarda fort attentivement : il parut furpris
de cette apparence lans rn’en demander la raifon.
Ces Brames, comme je l’ai déjà dit, nous regardent nous
autres Européens, preique comme des Sauvages qui nont
point ou preique point de connoiffances ; fiers de leur cafte,
de leur ancienneté & de leur prétendu favoir, ds ont pour
les Europ ens beaucoup de mépris. Ils ont de la peine à fe
figurer que nous ayons des connoiffances, des Univerfites,
.des Académies, comme iis en ont dans plufieurs villes, fui-
tout à Bénarés dans le Bengale, la plus celebte Académie
de tout l’Indoftan.