trouva ce refus de fervice, de la part des Cipayes, tout-à-fait
hors de fàifon.
Mais ces peuples ne confidèrent point l’état aéluel des
autres ; ils ne regardent & ne voient jamais que le leur : le
refus que fit le Général Anglois, delaiifer partir ces Cypayes,
excita des murmures dans cette troupe; & eile refulà en effet
de faire le fervice; pour lors le Général eut recours à la
politique & à la diicipline européenne; il fit, dit-011, pendre
le chef des Cipayes; par-là il remit le calme: ce 11e fut qu’un
calme apparent; la crainte & ies précautions qu’il prit empêchèrent
la débandade ou défertion des deux mille Cipayes ;
le moment vint d’une aéfion ; malgré les précautions dsi
Général, à la première décharge, les deux mille Cipayes
pafsèrent en corps & en ordre du côté de l'ennemi, 8c firent
feu contre les Anglois.
La fomme de fîx millions quarante mille livres que j’ai
fuppofee pour les fonds ncceflaires à l'entretien de trois mille
Cavaliers & de quinze mille Cipayes , ne fait pas encore
la moitié de la dépenfè annuelle qu’il faut dans l’Inde pour
foutenir ia guerre; il faut en effet, outre ce corps de
troupes nationales , une armée de cinq mille Européens j
& un train d’artillerie proportionnée & bien fervie. Celle
d Eder-Aü-kan, quoique traînée par des boeufs, alloit le même
train que là Cavalerie , 8c cela ne doit point paraître extraordinaire
, après ce que j’ai dit de la vîteife avec laquelle vont
les boeufs de l’Inde : eile eft telle qu’un cavalier démonté faute,
dit-on , fur le premier boeuf qu’il rencontre, & le trouve
bientôt rejoint à fon Corps.
Ce dernier article de cinq mille Européens, & d’une
artillerie proportionnée 8c bien fervie, eft très-confidérable;
fur-tout les frais de l’artillerie & des munitions en tout genre.
A quelles fommes auffi ne reviennent pas cinq mille Européens
effeélifs, tranfportés & entretenus dans l’Inde î 11 faut de
néceflîté faire continuellement pafler d’Europe ies recrues avec
beaucoup de frais ; car outre ia deftruétion des armées caufee par
la guerre , combien de caufes étrangères concourent dans ce
pays à faire périr le foldat Européen? Il ferait trop long &
affez inutile de les détailler; il faut, en outre, dans i’Jnde,
avoir toujours fes fonds d’avance ; & quand il fera queftion
d’y faire paifer tous les ans quinze à dix-huit millions, on y
manquera toujours d’argent.
Ii ne faut pas compter ici fur la relfource des contributions ;
elle peut être bonne en Europe ; elle eft chimérique dans
l’Inde, parce qu’elle n’a qu’un temps très-borné, & on eft
bientôt réduit à faire contribuer des déferts , ce qui eft la
même chofe, que d’être réduit à la faim, fi l’on n’a pas pris
les mefures les plus efficaces pour la fubfiftance de fon armée.
L ’expédition de nos troupes dans le Tanjaour, pendant la
dernière guerre, en eft une preuve, entre un grand nombre
d ’autres de cette efpèce.
Enfin, je ne vois qu’une Puiflànce capable de faire la
conquête de l’Inde, 8c de fe la conferver; mais cette
Puiflànce eft purement imaginaire.
Je dis clone que s’il s’établit quelque jour une Puiflànce
à Madagafear, qui foit abfolue dans toute l’Ifle ; c’eft-à-dire
maîtreffe, comme le font les Puiflànces européennes dans
leurs Etats: enfin, qui fafle de cette Ille un royaume policé,
comme ie font ceux d’Efpagne, de France ou d’Angleterre ;
cette Puiflànce, dis-je, fera, fi elle ie veut, la maîtreffe de
llnde & de tout i’Indoflan.