Je place ici l’art de macer, que les femmes lavent pratiquer
comme les hommes.
Jean-Henri Grofe, en pariant de Surate, parle aüffi d’un
ufage établi dans l’Inde, ou d’une eipèce d’opération (comme
il l’appelle ) très en ufage chez les Orientaux, & qui eft
peu connue en Europe : J’ignore qui«font les Voyageurs
qui en parlent.
A la côte de Coromandel, cette opération eft aufli connue
qu’à Surate : on la nomme macer ou maffer (fe faire maffer).
On eft couché, comme le dit Grofe, fur un canapé ou
fopha, n’ayant fur le corps que la chemife ; dans cet état, la
perlbnne qui maflè vous pétrit les membres les uns après
les autres à-peu-près comme on feroi.t de la pâte; cette même
perfonne tire aufli les extrémités des membres affez pour faire
craquer toutes les jointures des poignets, des genoux &
des doigts, làns faire le moindre mal, car ces perfonnes
font dé la plus grande dextérité.
On allure que cette opération eft nécelîàire dans l’Inde , &’
facilite la circulation des fluides, que la trop grande chaleur
tend à faire croupir, & auxquels elle ôte la liberté du mouvement
; que le maffement rend les membres plus fouples ëç,
plus agiles.
Un Voyageur exaét doit tout voir par lui-même autant
qtiil lui eft poflîble. La féconde année de mon féjour à
J’ondichery la chaleur m avoit très-fort incommodé. On
ne peut pielque pas prendre , dans cette iàiion, l’exercice
de la promenade, tant on eft accablé; il m’étpit. venu
une douleur dans les deux genoux, que je ne lentois cependant
pas lorfque j’étois en repos, affis ou couché, mais
fttôî
mais litôt que je vouiois me mettre en mouvement, je fentois
une douleur inconcevable dans les deux genoux, & une
eipèce de roideur dans les jambes qui m’ôtoit la liberté de
marcher, j’avois une peine fingulière à mettre un pied devant
l’autre ; pour faire les premiers pas j’étois obligé d’avoir recours
au bras de mon Daubachy, pour m’aider à me foutenir dans
les premiers momens; au bout de quelques minutes je pouvois
me païfer d’aide , les douleurs ceifoient peu-à-peu & les forces
me revendent : mon Interprète & mon Daubachy me
conleillèrent de me faire maffer; je fui vis leur avis & je
m’en trouvai très-bien. Beaucoup de femmes européennes
fe font maflèr tous les jours par leurs moces ou (errantes : à la
côte de Coromandel il y a Maffeurs & Maffeufes ; c’eft
ordinairement au moment delà fiefle (c) que fe pratique cette
opération. Les perfonnes qui vous maflent, vous voyant
endormi, elles vous laiiîènt & s’en vont.
Cette opération eft peut-être une des plus voluptiieuiès
&• des plus lênfuelles que l’amour du plaifir ait fait inventer;
mais quelque voluptueufe qu’elle foit pour les Indiens, ils
n y attachent aucune idée d’immodeftie ou d’indécence,
parce que cela n’eft point dans leurs moeurs.
II eft certain que cette opération excite les plus délicieuiès
ièniàtions , & qu’on s’endort dans la plus douce ivreiîè ;
Grofe prétend quelle fa it éprouver aux Indiens une tendre
langueur, qui va quelquefois jufqu’à fe pâmer & s’évanouir.
Je ne ferois point étonné que cela leur arrivât, fur-tout aux
jgens riches, qui réuffiilent mieux qu’on ne fait dans toute
autre partie du monde, à le donner leurs ailes, & qui en
(c) Dormir la Jiefle eft la même chofe.que faire la méridienne.
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