faire m’eût bien fatigué, & que j’euflè befoin d’un peu de
repos, j’oubiiai à la vue de ce Vaiflèau toutes les fatigues
que je venois d’efluyer, & je n’afpirois plus qu’au moment
de me voir paffer à bord, afin de pourfuivre ma couriè
jufqu’aux Mariannes. J’en eus d’autant plus'd’envie, que ie
Gouverneur me dit que je ne trouverais pas fitôt une fem-
blable occafion; & en effet, ie Roi d’Efpagne n’envoie que
tous ies trois ans un Vaiffeau à ces îles, encore c’eft un
Vaiflèau à peine de cent cinquante ou cent quatre-vingts
tonneaux. Il eft vrai que le Galion de Manille y relâche tous
les ans en revenant d’AcapuIco , & leur laiflè quelques
petites provifions : c’eû - là tout le commerce que les Mariannes
ont avec les Philippines. M. de Cafeins, à qui j’avois
promis de déterminer, avant fon départ de Manille, la longitude
de cette ville, fut caufe que je ne fis aucune démarche
férieufe pour m’embarquer. Il m’avoit alluré que je: 11e
manquerois pas d’occafion pour me rendre à ces îiesf en
m’embarquant fur un des Galions, & qu’il me recommanderait
encore pour cela au Gouverneur. J’abandonnai donc
pour ce moment le projet des Mariannes : ce fut un grand
bonheur pour moi ; car le Vaifléau & tout ce qui étoit
dedans, périt en fortant du détroit des Philippines pour
entrer dans la mer du Sud. II eft vrai qu’il ne Te noya que
trois à quatre perfonnes, celles qui furent les plus empreflëe3
à fe fauver; cë qui arrive prefque toujours dans les naufrages
: je ne peux pas répondre que je n’eufle pas augmenté
le nombre des perfonnes empreflees à fe fauver; mais j’aurois
perdu tous mes Journaux & mes inftrumens d’Aftronomie,
perte irréparable pour moi.
Après nous être .acquittés d’un voeu que Don Juan de
d a n s l e s M e r s d e l ’I n d e . 21
Cafeins avoit fait'aux approches des Philippines, au milieu
du mauvais temps, dont nous fumes tourmentés pendant
fept jours, mon premier foin fut de fixer la longitude &
la latitude de Manille. Don Manuel Galban , Oidor de
i’Audience Royale; me prêta pour cet effet un donjon, fort
propre pour y faire ces fortes d’obfervations.
• Les mauvais temps ne me permirent pas d’avoir un grand
nofnbie de ces obfervations ; & le départ de M. de Cafeins,
fixé au 12 Février fuivant ( 1 7 6 7 ) étoit trop précipité
pour que je puffe avoir.autant de vérifications à iüi donner
que je l'aurais defii'é- Les quatre obiervations que le temps
me permit de faire , s’accordoient fort heureufement entre
elles : elles furent le fujet d’un Mémoire que je fis fur la
longitude de ManilleV je le remis à M. de Cafeins : j’éta-
bliffois la longitude de Manille de y h 54/ 8" 3 o'", qui valent
1 j 8d 32' 4" 30"
j ’avertis M. de Cafeins, dans la lettre que je lui; écrivis
à ce fujet, -que je ne regardois cette détermination que
comme une efpèce d’approximation à un quart de degré
près, parce que j’avois été obligé de m’en rapporter aux
•Tabfé aftronomiques; mais j’ajoutois que l’on pouvbit bien
Te contenter de ce réiultat pour iuiàge de la Navigation aux
Philippines, jufqu’à ce que je puffe avoir d’Europe des obiervations
correlpondantes.
J’envoyai, d’après le confeil que me donna M. de Cafeins,
une copie de mon Mémoire au. Miniftre & Secrétaire d-’État
de la Marine & des Indes (M . le Bailli de Arriaga ); j’accompagnai
ce Mémoire d’une lettre dans laquelle j’informai
' cette Excellence de la raifon qui m’avoit fait entreprendre le
.'voyage aux Philippines,.& par quelle voie j y étpis, venu»