palPage de Vénus fur le Soleil; je vis par les réfultats, qu’il
étoit très - douteux qu’on pût voir à Rodrigues l’entrée de
Vénus fur le Soleil : cependant je m’étois déterminé à aller
à Rodrigues à tout événement. Lorfque ma maladie m’eut
permis d’aller voir M. le Gouverneur, je lui parlai de mon
projet ; il l’approuva, me promit de féconder mon zèle ; il
m’aiîùra que je pourrois partir dès la fin de Mars, & qu’il
me procureroit une occafion. M. Desforges Boucher ( c’étoit
le nom de ce Gouverneur ) avoit beaucoup d’amitié pour
moi ; j’en recevois journellement des preuves les plus convaincantes.
Il m’avoit dit qu’il m’auroit fait fournir des
magafins toutes les chofes néceilàires pour mon voyage.
J’étois bien éloigné de penfer que M. Pingré fè mettoit
en route pour aller à la même lile , je commençai à faire
les préparatifs de mon voyage; & fans une Frégate qui
arriva de France le 1 9 de Février, nous nous fuffions rencontrés
à Rodrigues, M. Pingré & moi; mais il fembloit que
j’étois deftiné à efluyer d’autres revers que ceux qui atten-
doient M. Pingré à Rodrigues. La Frégate arrivée le 1 1
Février, apportoit des nouvelles de la dernière importance
pour l’Inde ; elles déterminèrent M. Desforges & M. de
l’Eguille, C h e f d’Efcadre des armées navales, & commandant
de la Marine que le Roi entretenoit alors dans les mers de
l’Inde, d’expédier promptement une Frégate pour Pondi-
chéry: cette expédition exigeoit la plus prompte exécution;
on prit en confequence à l’lfle de France toutes les mefures-
néceilàires pour faire parvenir dans l’Inde, en moins de
temps qu’il iëroit poifible, les ordres arrivés d’Europe.
Séduit par les préparatifs que je vis faire, tous les Marins
m’ayant affiné que pour une Frégate telle que la Sylphide,
/ c ’étoit le nom du Bâtiment qu’on expédia) deux mois
fuffifoient, même, dans la faifon contraire où nous étions
pour fe rendre de l’Ifle de France à la côte de Coromandel,
je me déterminai à profiter de l’occafion qui fe préfentoit
de paffer à cette côte, parce que je ne comptais pas quon
pût voir à Rodrigues l’entrée de Vénus fur le Soleil; fachant
d’ailleurs que les obfervations proche de l’horizon , ne
peuvent jamais être d’un grand fecours pour i’Aftronomie j
M. Desforges & M. de i’Éguille confentirent à mon embarquement.
M. de l’Éguille me donna une lettre de recommandation
pour le P. Lavaur. J’eus cependant lieu dans la
fuite de me repentir d’avoir embrafTé ce parti, lorfque je
me trouvai engagé dans une route incertaine, & qui m otoit
toute efpérance d’arriver à temps à la côte de Coromandel.
Je partis donc de i’Ifle de France le 1 1 Mars, & de l’île de
Bourbon le 23 du même mois. Tant que nous fumes dans la
lifière des vents de Sud-efi, qui font les vents généraux
& alifés de ces mers, nos journées ne furent pas mauvaifès;
nous faifions encore trente à quarante-cinq lieues par jour;
mais lorfque nous eûmes quitté cette lifière pour entrer dans
celle des mouflons, par 7 degrés de latitude méridionale,
le vent alifé nous abandonna, & nous livra aux calmes &
aux folles ventes de la mouflon du N o rd -e ft, qui, toute
expirante qu’elle étoit, dominoit encore, & était tout à fait
oppofee à la route qu il nous falloit tenir.
De cette façon, nous errâmes pendant cinq femaines
Environ dans les mers d’A frique, le long de la cote d A jan,
dans les mers d’Arabie ; nous traverfames l’archipel de
Socotora, à l’entrée du golfe Arabique. Nous parûmes
¿levant Mahé, côte de Malabar, le 24 Mai; nous apprîmes