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Je fond e il le même; il paraît aulîî que cette côte eft affez écore,
puifqu a une iieue de terre & moins, on ,y trouve encore doaze
braffes; par copféquent ce b a n a n e fe prolonge pas jufque-ià.
A l ’endroit où nous mouillâmes, les Cartes marquent un large Cap,
qui fe prolonge entre deux embouchures de rivières confidérables,
qui , fi elles exiftent, doivent néceffairement charier à la mer beaucoup
de vafe & de terre ; ce qui fembleroit annoncer bien moins de
fond que celui que nous trouvâmes entre cette côte & Pol-Pinang:
mais il e il vraifemblable que ce grand fond de douze braffes eft
entretenu par les courans qui font très-violens dans ces parages,
& qui tiennent par conféquent le canal toujours libre à la même profondeur
, en forte que ces vafes & ces terres n ’ont pas le temps dè
fe précipiter pour augmenter le fond ; mais comme elles.fe.portent
néceffairement quelque p a r t , elles y doivent forme r, à la longue,
des attériffemens & des Iffes.
Nous appareillâmes au lever du S o le il, & à midi nous étions très-
proches de Po l-Pinan g . O n rencontre au Sud de cette Ifle un îlot
lo n g , que nous doublâmes en le laifîant a ilribord a moins dune
portée de piftolet de diftance, & trouvant conftamment d ix , qnze
& douze braffes, au lieu de fept que les Cartes marquent. E n arrivant
à Pol-pinang on voit deux petites ances de fab le, peu éloignées l’une
de l ’autre : c ’eft-ià que nous mouillâmes, à une heure après,midi,
par n eu f braffes, à un tiers de lieue de terre ; il faifoit alors très? î
beau temps, mais le C ie l nous avoit déjà menacés , & nous avoit
fait voir tous les lignes d’un coup de v en t ; dans la matinée,
l ’horizon s’étoit chargé de tous les côtés. A peine eumes-nous mis
à la voile que ee beau fp eé la c le , dont j ’ai p a r lé , difparut ; la fcène
changea fubitement : au lever du S o le il, rien n ’étoit plus beau
que de voir la prefqu’île de M a la c c a , & une heure environ après,,
le C ie l faifoit horreur de ce même c ô té , on në voyOit plus la terre ;
un nuage affreux la co u v r a it , & fembloit y répandre une pluie des
plus abondantes, c ’eft-ù-dire, telle qu’on en relient à Manille pendant
les vents d 'A v a l; u n vent frais qui Iquffloit de PEU par-deffus
la prefqu’île , fembloit nous annoncer que ce nuage alloit bientôt
d a n s l e s M e r s d e l ’ I n d e . 61 ?■
y
nous" envelopper ; mais" félon toute apparence les montagnes s’y
opposèrent, en retenant l ’orage ; & quoique nous ne fulfions pas
alors à plus d’une lieue & demie de la prefqu’île , la pluie , à notre
bord, fe borna à une efpèçe de brume qui ne nous mouilla pas., &.
que le Soleil diffipa vers les i j heures, en nous chauffant plus que.
de coptume. Après midi, le tonnerre f e f i t entendre dans le Nord
&le N ord-ouelt, où il paroifloit-un orage confidérable.
L e vent foufîîoit du S u d , la mer s’éleva un p e u , & paroiffoit
battue comme par différens vents : cette fois nous eûmes l ’ora g e ,
&la brife paflà fucceffivement du Sud au S ü d -o u e ft,.& de l ’O u eft
au N o rd -ou e lt, & acheva le tour du compas dans l’efpace d’environ
une heure, pendant laquelle il plut beaucoup. M o n thermomètre
defeendit de p degrés : la pluie fut fi épaifle que quoique nous ne
fulfions pas à plus d’un tiers de lieue de P o l-P in a n g , nous ceflàmes
delà voir pendant quelque temps. E lle commença cependant de
paroître, les vapeurs s’élevèrent de toutes les parties de l ’île que
nous étions à portée de v o ir , gagnèrent le fommet, s’y fixèrent
pendant un temps ; une partie fut emportée par les v en ts , l ’autre
fe dilfipa entièrement ; il fe fit un moment de calme, & il lëmbloit
que le ciel voulût s’éclaircir ; en même temps fa mer s’u n it, lorfqu’à
quatre heures environ après m id i, elfe commença de s’élever une
féconde fois; il fe formoit des lames, comme s’il eût venté bon frais;
Je confidérai pendant quelque temps de la chambre du Gonfeil où
j’étois, ce jeu de la mer, qui me parut d’autant plus fingulier ,
qu’il me fembloit au contraire que le temps s’éclairciflbtt & q u ’il
ne ventoit point , mais étant paffé fur le gaillard, je vis l ’apparence
du temps le plus affreux qui prenoit depuis le Sûd-fud-oueft jufqu’à j i’Elt ; la mer écumoit au loin comme dans une tempête , le temps
étoit fombre & embrumé, fe vent fouffloit médiocrement.
Cela- dura dans cet état pendant une bonne heure , fans que le
nuage approchât. A cinq heures il fraîchit un p e u , le temps nous
parut encore plus effrayant ; la mer paroiffoit effroyable devant nous s
on fentit un peu de pluie , & l ’extrémité du nuage paroiffoit comme
fixée au Z én ith; la pluie vint enfin férieufement ; la mer s’enfla