de mon Académie : il me dit qu’il ne me répondrait point,
& que je pouvois me plaindre fi je le voulois. Notre con-
• verfation, qui fut allez v ive, fut entendue de tout le monde,
& fut le lendemain l’entretien de toute la ville.
Enfin las & rebuté de toutes les démarchés que j’avois.
faites depuis deux jours., & qui n’aboutilîoient à rien ;
voyant évidemment par cette dernière réponlè du Gouverneur,
que plus je ferais de nouvelles tentatives, plus je
perdrois de temps, & un temps d’autant plus précieux, qüe
la làilôn favorable de doubler le cap de Bonne-efpérance
tiroit à la fin, & que je m’expofois aux rifques d’être encore
ablènt de France pour long-temps, je revins à ma première
idee ae demander à Don Jolèph de Cordoua, p. a liage fur là
Frégate. Je rentrai chez moi à i i h 30' du foir, bien décidé
de faire a cet égard tout ce qui ferait en mon pouvoir.
Cette aventure m’avoit fait tant d’impreifion, que je palîài
la nuit làns fermer l’oe il, toujours l’imagination remplie de
cette délâgréable hiftoire,
J etois en même temps fort inquiet fur le fort de la lettre
que j’avois adreifée à M, de Modave»
Le lendemain 2.0, de grand matin, il me fit dire par fore
domeftique, quil etoit arrivé de là campagne; qu’il n’ayoit
reçu ma lettre que de la veille, au moment où il fe dilpolbit
a le mettre en route; qu’il viendrait me voir dans la journée»:
Je lui fis réponlè que je me rendrois chez lui vers les deux
heures après midi.
Eftenaur, Commandant en lècond, dont j’ai déjà
paile, me fit 1 honneur de me venir voir dans la matinée,
& de m inviter à dîner. Je lui racontai mes aventures : cet
homme relpeétable y parut prendre beaucoup de part, Jç me
rendis vers midi chez lui, & je m’y trouvai, làns lè lavoir,
avec le Gouverneur. Je ne lui parlai d’aucune chofe; nous
fumes pendant près de deux heures à table, v is -à -v is l’un
de l’autre, avec plus d’indifférence que n’en auroient pu faire
voir des perfonnes qui ne lè font jamais vues; car nous ne
nous dimes pas le moindre mot.
Au fortir du dîner, j’allai voir M. de Modave; je lui
peignis ma fituation & mon embarras, & le priai de faire à
Don Jofeph de Cordoua la première ouverture du deffein
où j’étois de lüi demander palfage fur là Frégate. Il me promit
de faire à cet égard tout ce que je voudrais; Don Jolèph de
Cordoua étoit allé à la campagne ; il en revint le 2 2 : ce fut
ce jour-là que mes inquiétudes cefsèrent; & que j’efpérai
enfin de revoir l’Europe dans peu.
Que ne m’eft-il poffible de trouver des termes pour peindre
l’air obligeant avec lequel Don Jofeph de Cordoua reçut la
propofition de M. de Modave, & le piaifir qu’elle parut lui
faire ! Les termes les plus honnêtes accompagnèrent la réponlè;
il ne fe plaignit que d’une chofe : L e Navire, dit-il, ejl étroit ;
mais, ajouta-t-jl en même temps, la volottté ne peut être plus
ample. C e furent lès propres termes, infiniment plus expreffifs
dans la langue Elpagnole, que dans la nôtre; comme fi Dore
Jofeph de Cordoua eût defiré de commander un grand
Vailîèau , par le feu! defir de m’y voir plus à mon aife !
Le lendemain 23, nous fumes, M. de Modave & moi,
dîner à bord de ï’Ajlrée. Don Jofeph de Cordoua me répéta
une partie des cholès obligeantes qu’il avoit dites la veille à
M. de Modave; il me fit même des reproches d’amitié de
ce que je ne lui avois pas moi - même fait voir l’envie que
j’avois de palfer à Cadiz avec lui.
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