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& qu’ils regardèrent comme eflèntieiies. M. Desforges à
q u i'j’en parlai, fit tout ce qui put dépendre de lui pour
lever ces obilacles & aplanir ces difficultés ; il réuffit : mais
pendant plus d’un mois que nous fumes, pour ainfi dire,
à traiter avec M.rs de Cafèins & de Langara, j’avois conçu
le chagrin le plus dévorant. Ceux de. mes Leéleurs qui auront
lû l’hiftoire des Pyramides du Pérou , par M. de la
Condamine, ne trouveront pas étrange le détail de l’hiftoire
de mon embarquement pour Manille iorfqu’ils le liront.
Ce qui me faifoit le plus de peine, eft que j’avois écrit,
avant qu’on m’eût fait naître des difficultés, en France à
M. le Duc de Chaulnes. J’avois annoncé à ce Seigneur
mon nouveau voyage, en le priant de m’obtenir de la Cour
d’Efpagne des lettres de recommandation pour le Gouverneur
des Philippines: j’avois écrit par la même occafion à M.r
Clairaut & de la Lande.
Je partis enfin de l’Iile-de-France le i . er Mai 1 7 6 6 ,
bien réfolu de dire adieu pour toujours à cette Ifle : & en
effet, j’avois conçu le projet de m’en revenir en Europe
par Acapnico, & d’achever ainfi le tour du Globe; mais je
n’avois pas prévu tout ce qui devoit m’arriver à Manille, &
qu’une dernière aventure m’étoit deftinée à i’IUe-de-France.
Nous arrivâmes à Manille le 10 d’Août; notre voyage fut
un peu long; il eut auffi lès peines & fes fatigues.
Sans rapporter ici tous les différens genres d’obfervations
que je fis pendant le voyage, comme j’avois fait dans
les précédées, je ne parlerai que d’un problème que l’on
trouve parmi les Mémoires de l’Académie, année l y j j ,
Il confifte à trouver la latitude en mer par le moyen de
deux hauteurs du Soleil, prilès le matin ou le foir, à une
d a n s l e s M e r s d e l ’I n d e . 19.
heure de diftance l’une de l'autre. M. Pitot, qui propofe &
réfout ce problème, 11’eXamine qu’un feul cas ; celui où le
V ai fléau fe trouverait à 45 degrés de latitude : dans ce cas,
le problème peut être de quelque ufage. La pofition de la
fohère, & celle du Soleil qui fe trouveaffez loin du zénith,
dans quelque faifon que ce foit de l’année, donnent à la
méthode,une fureté fuffifante pour l’ufage de la Navigation;
mais lorfqu’on vient à particularifer le problème pour un
point quelconque pris dans la Zone torride, cette méthode
eft infuffifante : elle n’eft plus praticable fitôt que le Soleil
eft proche du Zénith; & je me fois bien convaincu q u e ,
quoiqu’on emploie le plus grand foin & le plus giand foru-
pule à rechercher la latitude par cette vo ie , 011 ne peut.y
parvenir qu’à un tiers de degré près. Quelquefois on s’écarte
davantage; l’erreur devient d autant plus grande, qu on eft
plus près de la Ligne que le Soleil eft plus voifin du
Zénith; & je n’ai pas trouvé que cette méthode, que j’ai
depuis pratiquée à Manille avec une bonne pendule à fécondés
& un excellent quart - de - cercle de trois pieds de rayon,
donnât une exaélitude fuffilante pour la Géographie.
Don Juan de Cafeins m’annonça au Gouverneur de
. Manille dans la lettre où il lui faifoit part de notre arrivée :
le 1 3 d’A o û t , quatre jours après, je defçendis avec M. de
Cafeins, & j’allai voir le Gouverneur, auquel je remis une
■ lettre de recommandation que m avoit donnée -M. Desforges,
Gouverneur de l’Ifle-de-France.
Nous étions mouillés à Cavité., port de Manille, à trois
lieues environ de cette ville. Nous trouvâmes dans ce port
un petit Vaiffeau à trois mâts prêt à mettre à la voile pour
les îles Mariannes; : quoique le voyage que je venois de
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