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On v o it , par ia première de ces lettres, que le paéte dé
famille fait entre les deux Couronnes d’Efpagne & de France*
a été un des motifs dont la Cour d’Efpagne s’elt fervie pour
régler le traitement qu’Elte entendoit qu’on me fît à Manille ;
& que lorfque j’avois fait valoir au Gouverneur de cette
ville, dans la lettre que je lui écrivis, ce même paéte de
famille, j’avois agi conformément à la façon de penlèr de
la Cour d’Eipagne, & que ce fut une fuite de la mauvailë
hûmeur de ce Gouverneur, s’il me fit fur cet article la
réponfe qu’on a vue; mais j’ai remarqué fouvent qu’une trop
grande diilance entre des Colonies & la métropole, rend les
loix lâns force & fans vertu.
Pendant le mois de Septembre, en obfervant la Cpmète,'
je fus attaqué d’une fièvre quotidienne, que je ménageai
allez peu dans les commencemens, & qui me força enfin
de garder la chambre pendant quelques jours.
Mon delfein avoit été de repaflèr en France fur le vailîèau
le Villevault, Il devoit partir dans le mois d’Oétobre, & palier
par l’IiIe-de-France. J’y avois plufieurs caillés d’Hilloire naturelle
à prendre; ainfi cet arrangement me convenoit fort.
Des raifons qui regardoient l’état aélüel de la Colonie à
Pondichéry, ayant décidé le Confeil Supérieur & le Gouverneur
à faire partir promptement ce Vailfeau fans lui permettre
la relâche de l’Ifle-de-France, je réfolus de retarder
mon voyàge de deux à trois mois ; mais quand je n’aurois
pas pris d’abord ce parti, ma maladie m’y auroit forcé par
la fuite ; car j’étois au lit dans le temps que le Vailîèau
partoit. Mon rétablilfement ne fut qu’apparent ; vers la fin
de Décembre, je.tombai très-férieulèment malade de la même
fièvre; elle fut accompagnée d’un flux dyfçntérique & de
d ' an s l e s M e r s d e l ’I n d e . 5 1
douleurs très-aiguës dans l’eftomac. Cette fois- ci je ne m’ep
tirai qu’avec beaucoup de peines, & je me vis au moment
d’être forcé de relier encore à Pondichéry; mais j’avois un
fi grand defir de repalfer en Europe, que je m’embarquai le
1 ." Mars 1 7 7 0 , à peine convalelcent, fur le vailîèau le
Dauphin: ce Vaifleau devoit palfer par Fille - de - France, y
relier quelques jours, & fuivre fa route pour France ; nous
mouillâmes à l’Ifle-de-France le 1 6 Avril au foir.
Letat dans lequel étoit ma fanté ne me permettoit pas de
fuivre le Vailfeau & de doubler le cap de Bonne-efpérance
dans la mauvaife faifon. M. Law m’avoit très-fort afliiré,
avant que je partiflë, que ï Indien, qui étoit allé à la côte de
Malabar, paflèroit par l’Ifle-de-Frarice dans le mois de Mai,
ou dans le mois de Juin. Je pris donc le parti de m’arrêter
à cette Ifle, & de m’y rétablir entièrement en attendant
le vaifleau l’Indien. Je retrouvai à l’Ifle-de-France mes
connoiflànces & mes amis, chez lefquels je me remis des
fatigues du voyage, & je rétablis ma lânté.
Je trouvai tout changé à l’Ifle-de-France : M. Desforges,
ci - devant Gouverneur, dont j’avois eu tant a me louer,
étoit retiré à l’île de Bourbon. Lille-de-France etoit commandée
par un Gouverneur pour le Roi, & un Commilîâire-
ordonnateur qui faifoit les fonétions d’intendant. M. Ellenaur,
Brigadier des Armées du R o i, y commandoit en lécond. Je
fus, on ne peut pas mieux, accueilli de lui ; & pendant mon
féjour à l’Ifle-de-France, j’en reçus beaucoup de marques
d’amitié.
J’avois vu dans l’Inde M. V eron , qui venoit de faire le
voyage de la mer du Sud avec M. de Bougaintille. Cet
Aftronome étoit alors fur le jVigilant, Vaifleau de R o i, Sf
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