A peine vécut-il une heure : mais ces fortes cl exemples font
on ne peut pas plus rares.
Le jeune Indien dont je parle, portait par les rues un petit
panier rond d’une efpèce d’ofier , & dans ce panier il y avoit
deux à trois couleuvres capeles. Je i’ai piuiieurs fois fait venir
chez moi, j’avoue que je fus un peu intimidé la première
fois par les récits qu’on m’avoit faits ; mais je m apprivoifai
peu-à-peu, & je parvins au point d’en toucher une, de
l’agacer en lui donnant de petits coups fur le nez, & de
recevoir des coups de langue fur la peau de la main.
Ces ferpens ont un air majeftueux avec leur chaperon,
ils ne rampent point tout-à-fait, ils fe traînent for un , deux
à trois plis qui commencent à l’extrémité de la queue, ils
gardent tout le refte du corps droit & perpendiculaire qui
eri impofe à'ceux qui n’en ont jamais vu de cette efpèce.
Lorfque l’Indien a joué un petit moment avec fa mufette,
11 frappe piuiieurs fois for le couvercle du panier comme s il
vouloit réveiller les couleuvres,.puis il continue de jouet un
petit moment, après lequel il frappe encore, ce qu il fait a
plufieurs reprifes ;.enfuite levant le couvercle, les couleuvres
fe dreifent & font de petits mouvemens de tête continuels
comme de petites ofcillations, pendant que l’Indien joue de fa
mufette; pour les animer davantage, il leur donne de petits
coups avec les doigts for le bout du n e z , & l’on remarque qu à
chaque coup la couleuvre s’élance for lès mains comme pour
le mordre, on entend très-bien les claquemens répétés de fes
dents, & l’on voit qu’elle lance en même-temps fa langue
comme un trait qui touche la main de 1 Indien.
Pour me convaincre encore for le claquement des dents
de ces ferpens, le jeune Indien prit jen ma préfence un
mouchoir, & il tâcha à diverfes reprifes de le faire faifir par
l’un d’eux, en l’agaçant; il y parvint en effet, puis l’ayant
fecoué pour le ravoir, le ferpent ne voulant pas le lâcher,
la fecouffe occafionna un claquement dans les dents du ferpent
que j’entendis très-bien.
Il me paroit évident que ces gens 11’ufent d’aucun jus
d’herbes ni de prétendus préfervatifs.
II faut d’abord pofer pour principe que toutes les couleuvres
& tous les ferpens font extraordinairement timides, & ne
cherchent point à attaquer les hommes; auffi tes exemples
de gens mordus par ces animaux font extraordinairement rares.
Combien de fois n’en ai-je pas rencontré fur ma route dans la
campagne aux environs de Pondichéry ! Je m’arrêtois, & je
voyois que ces couleuvres ne cherchoient qu’à m’éviter, à
fuir & à s’échapper du côté oppofé à celui où j’étôis ; pour
m’en affurer davantage, -j’ai été au-devant ou à la rencontre
de quelques-uns de ces animaux ; à mefore que je les tournois
pour les voir de plus près, ils fe détournoient pour m’éviter;
j’en ai pris d’autres avec ma canne par le milieu du corps,
&c je les lançois dans les champs de riz ; cependant ils ne
faifoient aucun mouvement pour me mordre, ils ne cherchoient
qu’à le débarraiîèr, & ceux qui y parvenoient en tombant
à terre, redoubloient leurs efforts pour fuir.
Il eft dans la nature, que cet animal fe fentant preffé &
arrêté, lorfqu’on lui marche, par exemple, for le corps & for
la queue, s’irrite & cherche à fe débarraffer ; alors dans fa
colère, fon premier mouvement eft de mordre, croyant fo
débarraiîèr, & la morfore eft mortelle.
G’eft de plus une chofe de fait que les couleuvres font
très-atfées à apprivoifer : de plus ces gens achèvent de les