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divertiffans ; mais ce n ’eft pas ce qu’on doit confiderer ici.
D ’ailleurs M ala c ca , quoique p e tit, eft un endroit trè s -jo ii, où l’on
peut relâcher ; il m’a paru t r è s -g a i, fort a g réab le , avec des promenades
à la porte de la ville; je n ’y trouve qu’une feule incommodité,
celle de faire' de l’eau; car je compte pour rien l ’inconvénient
dont j ’ai entendu parler, mais dont je n ’ai pas été témoin
qui vient , d it-o n , des Malais , gens très-méchans ,- fauvages &
barbares : on peut encore relâcher à Achem.
Je fais que le détroit de Malacca eft fujet aux orages , aux tonnerres
fréquens , & aux Sumatra, comme les nomment les Portugais ; mais
ces orages & tonnerres fe tiennent prefque toujours fur la prefqu’île,
rarement en relfent-on dans le détroit : quant au Sumatra, il ne fe
fait ordinairement fentir qu’à l’entrée du D é tro it, en y arrivant par
ï ’O u e f t , comme me l ’ont aflùré les pilotes Portugais ; au refte ceci
n ’eft que pour l ’aller ; pour le retour , il faut prendre le détroit de la
S o n d e , à moins q u ’on ne parte de Chine de très-bonne heure,
pour pouvoir relâcher à M a la c ca , & fur-tout pour paflèr la Ligne
à l ’entrée de Février : en attendant trop ta rd , on a beaucoup de
calmes en Mars , qui retardent le v o y a g e , & expofent à fe trouver
au cap de Bonne-efpérance dans le mauvais temps. Je reviens à
la pierre blanche : après q u ’on en a eu connoifîânce , on voit la
pointe de Romanie , qui eft très-reconnoiffable par un mandrin
en pain de fu c r e , qui à la vérité en eft fort loin en avançant dans
les terres de la prefqu’île ; malgré cela il fert beaucoup à faire
reconnoître la pointe.
Nous laiisames à-ftribord un banc fort étendu du Nord-oueft au
S u d -e ft, couvert d ’îlots ious la forme de pains de fu c r e , & garnis
de bois jufqu’a leur bafe. J ’eus le loifir de les bien examiner, en
étant paffé à moins de demi-lieue.
O n trouve fréquemment dans les mers orientales, de ces îlots,
femés ça & l a , louvent à une alfez. grande diftance des conti-
nens. C e s îlo ts , ne font autre choie que du Table & des pierres
comme amoncelés ; & ce qui eft à remarquer, ils font couverts
ju fqu au pied d ’arbres fuperb es, & verts à faire p la iftr, de forte
que la m e r , quand elle eft b a ffe , en mouille les racines. Comme
il pleut dans la Z o n e torride confidérablement plus que p a r-to u t
ailleurs , & proche de la L ig n e , encore plus que dans le refte de la
Zone to rrid e , il faut croire que ces pluies iï abondantes concourent
avec la chaleur du c lim a t, à entretenir a in fi, fur tous ces îlots.,
ces arbres, & leur fournilfent u n aliment fu ffifan t, malgré l’aridité
naturelle d u fol où ils ont pris naiffance.
A 10 h eu re s, nous entrâmes dans le D é tro it, nommé détroit du
Gouverneur, avec u n b o n v en t frais de N o rd -n o rd -e ft. L a mer q u e
nous avions eue ju fq u ’alors fort g re ffe , commença à tomber ; fes
v agues, auparavant comme des montagnes , s’aplanirent , & elle
parut transformée en une belle plaine u n ie , que le vent n ’avoit plus
la liberté d ’a lté re r, & fur laquelle nous voguions comme fur l’é tang
le plus tranquille. J ’oubliai bientôt les mers de C h in e & fes
écueils. C e n ’eft: pas que nous y euffions eu de mauvais temps,
& que nous y eulfions été en danger ; mais ces mers fo n t
toujours trè s-d u re s, le v en t y eft toujours fort ; & fur-tout ce verit
de N o rd -e ft , vent e ffré n é , qui fouffle fans borne ni mefure. I c i ,
Monfîeur & cher am i, je vous ferai l’éloge du Vailîèau fur lequel
j étois. P o u r u n navire bâti à Surate par des Marates ou Indiens
Ma labare s, c e ft-à-dire, par des gens qui n ’entendent poin t la c o n f
traction des E u ro p é e n s , { ils ne s’en embarraffent même point
du to u t) il avoit de très-bonnes qualités. C.’étoit une belle, flûte
d environ y o o tonneaux , très-bien & très-folidement conftruite ,
fans ¡ivoir néanmoins la grâce que donnent aux leurs nos nouveaux
Conitrucleurs ; fes roulis & fes mouvemens n ’étoient cependant
ni durs , ni fatigans; je dois mêmé ajouter q u ’elle rouloit trè s-p eu ,
quoique nous ayons prefque toujours eu le ven t de l’arrière. E lle
alloit très-bien , elle gouvernoit encore mieux. Il eft vrai que je
n a i pas v u q u ’elle portât trop bien la voile au plus près ; mais
cétoit plutôt u n défaut dans l’arrimage, q u ’u n défaut de co n ftru c -
tion. Les Pilotes m’affurerent que lorfqu’elle fortit de Madras p o u r
Manille, le ven t courboit la mâture fans faire plier le Vailîèau ; ce
défaut d arrimage dans ce Vailîèau le fit .reconnoître de loin en
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