bancs, on pourroit en prendre la fonde pour celle de la
côte de Malabar, & par conféquent fe tromper. En prenant
alors du Sud, on courroit rifque d’aborder quelques-unes
des îles Laquedives. Le parti le plus fu r , lorfque le temps
ne permet pas de reconnoître la côte, eft donc de continuer
de fcnder pour voir fi le fond augmente ; mais lë beaucoup
plus fur encore eft de paflèr par 14 degrés ou 14 degrés
•& demi, de le mettre de bonne heure par cette latitude,
afin de n’avoir rien à craindre de ces bancs dont i’écore
eft a plus de cent lieues de la côte de Malabar ; & enfin
d’atterrir à cette côte par là même latitude de 14 degrés &
demi. Soit qu’on ait vu la côte de Malabar, loit qu’on s’en
rapporte uniquement à la fonde ; on dirigera fa route de
façon à fe tenir perpétuellement à quinze à vingt lieues
au moins de la terre; onia prolongera donc à cette diftance,
jufqu’à la hauteur du cap Comorin, dont on n’approchera
pas plus près dans la crainte d’être entraîné dans le golfe
de Manar, d’où il ne feroit pas aile dé fortir pendant la
mouflon des vents d’Oueft. De la hauteur de ce Cap, on
cherchera à attérir à la pointe de G aie, île de Ceylan.
Gale eft aux Hollandois : c’eft une relâche quand là
lâifbn le permet ; mais je ne fais fi ce port eft bien fréquenté
par d’autres Vaiflèaux que par ceux des Hollandois. Il me
paroît feulement que cette Nation n’àime pas à y voir des
Etrangers.
Je crois qu’on 11e fera pas lâché que je m’arrête un moment
ic i, avant de pourfuivre ma route, pour mettre les Navigateurs
au fait de la manière dont on eft traité à Gale par
les Hollandois, & comment on doit s’y comporter.
Le port de Gale eft une fort petite baie qui peut contenir
fept à huit Vaiflèaux au plus, & quelques petits Bâtimens :
le fond y eft de làble vaiëux, & la profondeur d’environ
fix à quatre braflès. L ’entrée de ce'port, fi c’en eft un, eft
femée de roches: la mer y déferle de tous les côtés, même
dans le fond de la baie où règne une barre , & où l ’on voit
quelques roches à fleur d’eau : il y a du houle dans cette
baie, & les Vaiflèaux, y roulent & y tanguent : cet endroit
n’eft ni fûr ni commode ; & il n’y a aucune reflburce pour
un Vaiflèau qui auroit befein de caréner ou de fe remâter :
de plus , on y trouve un temps effroyable, & on fe plaît à y
iucer les Etrangers.
L ’entrée de Gale eft très-difficile ; les Hollandois ne
fouflrent aucuns Vaiflèaux, fait nationnaux, .feit étrangers
y entrer fans un Pilote-juré. Il y a quelques années qu’un
Vaiflèau Anglois voulut y entrer fans Pilote; il fe perdit finies
roches. Lorfqu’un Vaiflèau étranger a deflèin d’hiverner
.à Gale , il faut qu’il dépêche un bateau avec un Officier
pour demander au Gouverneur la liberté d’entrer dans ion
port, fous prétexte dé voie d’eau, d’épuifement de l ’équipage,
de manquement de vivres, d’eau & de bois. Auflitôt que
le Vaiflèau eft entré, on voit arriver le Fifcal avec une
longue fuite & efcorte, pour y faire lire & afficher au
pied du grand mât , une pancarte Hollandoife, qui porte
en lùbftance une défenfe, feus peine de la vie & de confifi
cation du Vaiflèau , de traiter de la canelle, du poivre & de
iareque (a) : l’eau , qu’aucune Nation, que je lâche , n’a jamais
fait payer, les Hollandois la vendent à Gale au poids de
( à ) L ’areqüe eft le fruit d’tin Palmier , ce fruit eft fort* recherché dans
l’Inde; on le mange mêlé avec un peu de chaux, le tout enveloppé avec la
feuille de Betel : c’eft le Caunga de Henri de Réede (Horti indici Malabar ic i,
tom, 1 , p . H * *