à Karical, ville à trente lieues dans le fud’ de Pondichéry.
Il me dit que ce Brame étoit venu exprès pour me voir:
peut-être fe figura-t-il que jetais quelque Brame françois.
II me fit très-peu de queftions, & me parut peu curieux;
la feule chofe pour laquelle il montra de l’admiration, fut
de voir au travers de la lunette de mon quart-de-cercle, les
Vaiflèaux de la rade dans une pofitiou renverfée.
Les Indiens ont peu d’arts; encore ils ne cherchent point
à les perfeélionner : aulîi ont-ils peu d outils. C eft avec le
fecours feul d'un petit cifeau & d’un petit marteau , qu’ils
font venus à bout de tailler dans les carrières même, des
blocs immenfes du plus beau & du plus dur granit, pour en
bâtir leurs pagodes & les pyramides, & pour former ces
belles colonnes qui fervent à foutenir l’enceinte. J’ai vu de
ces colonnes déplus de trente pieds de hauteur, d’une feule
pièce; j’en ai mefuré plufieurs qui avoient cette hauteur, y
compris le piédeftal qui avoit le cinquième de la hauteur,
ou fix pieds juftes, fait en quarré fur trois à quatre pieds de
baie, avec des figures fculptées fur les faces, qui tiennent
au même bloc & en font partie. Quel travail & quelle peine
tout cela n’a-t-il pas coûté, dans des endroits ou il faut aller
chercher ,1a pierre fort loin ! Mars les Indiens font des miracles
de patience en tout; c eft avec la patience qu ils font
venus à bout de faire ces grofîes chaînes de pierre, dont on
admire les reftes dans une de leur principale pagode de la
côte de Coromandel; ces chaînes paroiflènt en effet n’avoir
fait, avec les groffes pierres où elles font attachées, qu’un
même bloc dans la carrière.
Le Confeil Supérieur de Pondichéry m’ayant fait l’honneur
de me nommer, avec le Chirurgien-major de 1 hôpital,
pour faire l’épreuve des eaux que le Gouverneur vouloit faire
venir dans la ville, où il n’y a que de très-mauvais puits;
je fis l’examen de. toutes les eaux des environs de Pondichéry,
de la même manière que je l’avois fait de celles de
l’Ifle-de-France, en me fèrvant des moyens que M.Hellot
m’avoit indiqués avant mon départ..
Je fournis au même examen les eaux de Madras, dont un
de mes amis m’envoya plufieurs bouteilles cachetées. Les
réfultats de mes expériences furent les mêmes pour les eaux
de Pondichéry & pour celles de Madras.
Je vis par ces expériences , que 1 on pourroit executer a
Pondichéry, en toiles peintes, tout ce que l’on fait à Madras;
il ne s’agit que d’avoir de bons Tifîerands, & fur-tout
de bons Peintres, & de faire en forte que leurs ouvrages
acquièrent de la célébrité, comme ceux que l’on fait à
Madras en ont acquis, non par la qualité des eaux, qui
font les mêmes qu’à Pondichéry, mais par l’adreffe & par fa
fupériorité des Peintres de Madras fur c e u x de Pondichéry.
M. Latv, Gouverneur de Pondichéry, & M. de Larche,
ancien Confeiller, qui avoit été quelque temps à Madras,
étaient fi perfuadés que l’on pouvoit à Pondichéry, finon
fiirpafïèr , au moins égaler la main - d’oeuvre de Madras,
qu’ils avoient formé de mon temps deux aldees" de Tifîè-
rands qu’ils y avoient attirés. Il commençoit à y avoir de
bons Peintres; & j’y fis exécuter devant moi, en 1 7 6 9 ,
d’après des deffins de France, des mouchoirs qui font très-
bien peints.
Voici encore un fait qui prouve, en faveur de mon
opinion , que la fupériorité que les Anglois ont à Madras