de large fac pointu par les deux bouts, & attaché par ces deux
bouts à un bâton ou bambou tout droit.
Lorfque le corps eit arrivé auprès de la roffe, les trompettes
fonnent pour la dernière fois ; elles forcent en
enflant infenlîblement le fon, puis diminuant peu-à-peu &
par degrés, elles ceiTent tout-à-fait; ce quelles répètent trois
fois ; après lefquelles on met le mort dans la foife : on
apporte du riz dont on met deux à trois poignées avec
le mort, & on achève les funérailles comme je viens de
le dire.
Les gens riches font ramaifer les cendres du corps & les
enferment dans des urnes : iis les envoient jeter dans l’eau
du Gange.
Tout le monde fait la vénération que les Indiens ont pour
le Gange ; la fainteté des eaux de ce fleuve eft en fi grand
renom , qu’on les porte à plufieurs centaines de lieues à la
ronde : à Pondichéry, qui eft à trois cents lieues de l’embouchure
du Gange, j’ai vu des Brames qui, fuivis de leurs
femmes, ailoient de maifon en maiion offrir cette précieufe
marchandife; elle eft contenue dans des petits pots de terre
exaélement fermés : ils portent ces pots aux deux bouts d’un
bâton , auxquels pendent fix petites cordes où ils font attachés.
Ces Bramines font avec cette charge trois à quatre cents, lieues
par pure dévotion, ne vivant que d’un peu de riz & de
lait.
Je finirai ce Chapitre en rapportant un trait de la crédulité
du peuple de l’Inde, que l’on pourroit comparer, à cet égard,
au peuple d’Europe. *
Les Indiens font quelquefois des prédiélions, comme nous
en voyons dans nos almanachs de Liège & autres de ce genre.
d a n s l e s M e r s d e l ’I n d e . 203
Voici la traduélion d’une de ces prédiélions, telle qu’elle m’a
été adreflee de Karical à Paris, par M. de Willems, qui y fut
envoyé pour commander vers le temps que je quittai
Pondichéry pour repaifer en Europe.
T r a d u c t i o n d e la Prophétie des Malabares (Tamouhs) ,
à l'otcafton de leur fête du Pongol ; pour l'année s y y 1.
Le Soleil a deux fils, nommés Emada-Rufya & Chumé-Soura;
& fept filles, nommées d o ré , Dànanganfiê, Aiagadancé, Manda,
Mandaciniè, Mifiré & Radyafié, dont la quatrième eft’ apparue
actuellement : elle a quatre vifages, quatre n ez, huit yeux, huit
inains, huit oreilles ; lès oreilles font grandes , fes lèvres pendantes.
& fes fourcils drelTés ; il lui lort du feu des yeux & de la fumée de
fes narines ; elle a deux jambes : là hauteur eft de trente lieues, & là
largeur de dix-huit.
Elle paroît fur un éléphant ; ce qui annonce guerre parmi les
Nations.
Elle paroît comme plongeant dans le jus des feuilles de margofier ;
ce qui n’eft pas bon pour le genre humain.
Elle paroît en habit noir ; ce qui annonce peur pour le diable.
Elle paroît barbouillée avec de la gomme moulue au lieu de fondai;
ce qui fignifie malheur pour les femmes mariées.
Elle paroît dans des joyaux faits des yeux de chat ; ce qui annonce
malheur pour les Jouailliers.
Elle paroît décorée de fleurs de mougry; ce qui fignifie malheur
pour ceux qui joüiflènt quand ils vêule'nt d’un profond ïommeil.
Elle paroît avoir un chaudron de plomb dans la main ; ce qui
annonce malheur pour les Chaudronniers en cuivre.
Elle paroît comme buvant du lait ; ce qui fignifie malheur pour
les beftiaux.
Elle paroît mangeant du fruit nommé malfaw; ce qui annonce
«pouvante parmi les gens pour la petite vérole. .
Elle paroît avec une arme nommée foula, & une lance a la main.;
ce qui fignifie encore guerre parmi les Nations.
C c ij