Elle paroît avec un parafol d’or ; ce qui lignifie encore malheur
pour ceux qui trafiquent en or.
Elle paroît fumant une pierre qui fe trouve dans le ventre des
boeufs ; ce qui'annonce malheur pour les petits enfans.
Elle paroît fous la forme d’un homme; ce qui lignifie encore
malheur pour le genre humain.
Elle paroît comme fe couchant & fort étonnée, lignifiant épouvante
parmi les gens.
Elle paroît allant du Nord-eil au Sud -eft, ce qui annonce
manqua de pluie dans cette dernière partie ; & comme le mois
commence un mercredi, c’ell figne de malheur pour les Bayadères.
Un chacun éprouvera tout ceci depuis le mois de Janvier jufqu’au
mois de Mars.
Cette prophétie, & plus exactement prédiélion, doit paraître
bien ridicule à mes Lecteurs; mais celles de nos almanachs le
font-elles moins ?
Au iurplus , cette prophétie me fournit l ’occafion de faire
quelques remarques, car ici le Soleil a deux fils ; le Soleil chez
les Grecs en avoit deux. Le Soleil chez les Malabares
(Tamouits) a lept filles ; ne feroient-ce point les lept Pléiades,
filles d’Atlas! J’ai déjà dit & je le répète encore, que je
croyois, avec M. Holwell, que les dieux des Grecs étoierit
venus de l’Inde ; j’ai remarqué auifi que le neélar des dieux
Grecs n’étoit autre chofe que l’amortam des dieux Indiens.
Parmi trente deifins que j’ai des dieux Indiens, qui m’ont
été donnés par mon Interprète Maleapa, & qui ont été faits
par des Indiens même, je trouve un nommé Manmaden
ou Cupidon ; un autre delfin repréfènte là femme Rati ; j’y
trouve pareillement une autre divinité nommée Yemen ou
Pluton; j’y trouve enfin un dieu Varrona, dieu qui préfide au
tonnerre & à la pluie ; le premier volume des Cérémonies
d a n s l e s M e r s d e l’I n d e . 205:
religieufes parle de cette divinité fans en donner la figure.
Un cinquième eil fans nom ; mais il me paroît ne devoir être
autre chofe que Janus. Toutes ces divinités font repréfentées
avec leurs attributs particuliers. Mes autres deifins font fans
titre, & mes Interprètes n’ont pu m’en donner d’explication,
excepté les neuf incarnations ou métamorphofes de Vichnou,
qu’il eft aifé d’y reconnoître, quoiqu’elles foient un peu différentes
de celles que l’on trouve dans la Chine illufirée du
P. Kircher, & dans les Cérémonies religieufes de M.rs l’Abbé
Bamiier & le MaJcrier. Mais j’ai cru que le public ne feroit pas
fiché de voir ici l’idole la plus fingulière que j’aie parmi mes
deifins ; c’efl peut-être auifi la plus fingulière de toutes celles
qui nous font venues de l’Inde depuis que nous la fréquentons.
Cette figure eft certainement myflérieufe & allégorique,
comme étoit celle de Janus, qui ayant deux vifages, marquoit
la connoiflànce du paifé & de l’avenir. L’idoie indienne doit
être douée d’une intelligence bien lùpérieure à celle de Janus,
puifqu’elie a trente-fix têtes, formant trois étages ou trois rangs
les uns au-deffus des autres : chaque rang eil compofé de
douze têtes ; une plus groffe que lés autres occupe à peu-près
le milieu de chaque rang, cinq plus petites font à fa droite
& fix pareilles font à fa gauche.
Cette idole, avec ces trente-fix têtes, n’a cependant que
deux bras & quatre mains. Cette fingularité ne m’a pas paru
annoncer un pouvoir proportionné à l’intelligence qu’annoncent
les trente-fix têtes. Les Brames de la côte de
Coromandel n’entendent peut-être plus eux-mêmes les fens
de l'allégorie cachée finis cette figure.