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d’aller iè répandre plus loin, ce qui forme un hiver effroyable,
on ne voit qu’orages, & des pluies fur-tout dont on n’a
point d’idée en France; car des gens dignes de foi m’ont affiné
qu’il tomboit tous les ans à Mahé fept à huit pieds d’eau,
depuis Mai jufqu’en Oétobre feulement; les tempêtes font
fi terribles alors, le long de cette côte, que les Vaifléaux
n’ofent venir y commercer ; on commence même à s apercevoir
, cinquante lieues au large de la côte , du mauvais
temps qui y règne; il quitte & abandonne les Vaiffeaux à
mefure qu’ils s’écartent de la côte ; en fortë que cinquante
lieues au large vous n’avez plus ce même temps. La même
choie arrive à la côte de Coromandel depuis la mi-
Oétobre jufqu’à la mi-Janvier, avec cette différence que
les Gates étant beaucoup plus éloignées de la côte de
Coromandel qu’elles ne le font de celle de Malabar (a),
l’hiver n’eft pas fi long ni fi mauvais à Pondichéry qu’il i’eit
à Mahé; il s’en faut bien auffi qu’il y tombe autant de pluie.
D e cette difpofition du terrein & de la direction des vents
de la mouçon, on relient à la côte de Coromandel, pendant
l ’été, des vents d’Oueft, auxquels on a donné le nom de
vents de terre, comme je l’ai dit, car on ne connoît point
les termes d’été & d’hiver dans ces climats; on diftingue ces
deux faifons fous le nom de faifon des vents de terre & faifon
des vents de Nord.
Pour mieux entendre cec i, il faut jeter un coup-d’oeii
fur la Carte, on verra que la côte va à peu de chofe près
(a) La chaîné des Gates eft à foixante lieues de Pondichéry, & à douze,
ou quinze de Mahé,
du Nord-nord-eft & Sud-fud-oueft; par conféquent, les vents
d’Oueft font des vents de terre.
Ces vents font ordinairement violens & brûlans; ils
foüfHent pendant la mouçon du Sud-oueft, & ils fe déclarent
à Pondichéry vers le commencement de Mai; toutes les années
ils ne font pas également brûlans ; les orages & les pluies
qui les précèdent quelquefois , les tempèrent; c’eft ce qui
arriva en 1768 , ces vents ayant été précédés par un mois
d’Avril très-orageux & très-pluvieux : mais fi ce mois eft
fec, pour lors le Soleil a eu le temps d’échauffer l’air &
les terres dont il fe rapproche journellement. Dans ce cas,
les premiers vents de terre qu’on relient font éprouver une
fenlàtion accablante par la chaleur qu’ils communiquent ; il
arrive (ce que j’ai vu en 1769 ) que le thermomètre qui
n’eft ordinairement qu’à 2 5 , 26 & 2 7 degrés pendant le
mois d’Avril, monte fubitement à y 5 & y6 degrés dès
l’inftant que les vents de terre fe déclarent, ce qui arrive du
jour au lendemain.
Ces vents brûlans ont heureufement des interruptions &
fouffi-ent des variétés; car s’ils fouffloient toujours avec la
même violence & portant le même fouffle enflammé pendant
quatre à cinq mois qu’ils durent, qui font les Européens
adez robuftes pour y réfifter! On m’a cependant alluré qu’on
les a vus pendant plus de trente jours de fuite, la nuit comme
le jour; à la vérité ils ne font, pendant la nuit, ni fi violens
ni fi brûlans que pendant la journée.
La brife qui tempère les vents de terre eft une brilè qui
vient par-deffus la mer, qu’on nomme brife du Sud-eji ou
brife du large.
Les vents de terre commencent à foufHer vers les huit