ont fournis. Leur induftrie pour ia culture de ia terre n’eft pius
ce quelle étoit; pour s’en convaincre il fuffit de comparer k
partie de l’Inde loumife aux Mogols, avec le Tanjaour, autre
partie de l’Inde gouvernée de temps immémorial par un Prince
Gentil, & que les Mogols n’ont point encore foumife.
Outre la tyrannie & l’oppreflion du gouvernement Mogol
qui accablent l’Inde, les dilfentions continuelles qui régnent
entre les Princes Mogols, eil une leconde caufe de définie-,
tion , fur-tout depuis què les Européens y prennent part. La
paix dans ces pays n’eft qu’apparente ; il y a toujours un feu
caché qui brûle intérieurement & qui mine iniènfiblement le
plus beau pays du monde; tantôt ce feu s’allume dans une partie,-
tantôt dans une autre, & confume bientôt des provinces
entières ; car ce n’eft pas là comme en Europe. Quand un
Nabab, ou Prince Mo'goi, porte ia guerre quelque part, le
peuple, fins aucune exception, déferte, abandonne fon pays,
& va le jeter dans les endroits tranquilles ; lèmblable à tua
troupeau de moutons, il a bientôt abandonné le lieu qui lui
ièrvoit à pâturer ; alors les campagnes deviennent délêrtes,
les cultivateurs ne reviennent point tant qu’ils font dans la
crainte que la guerre ne continue.
C ’eft ainfi que la guerre, que le Mogol Eder-Ali-kan faifoit
en 1 7 69 au Nabad Mamet-Ali-kan & aux Anglois, fit
refluer une quantité, incroyable de peuple dans nos poflèfîions
aux environs de Pondichéry, c’eft-à-dire, dans un efpace de
deux à trois lieues : ce peuple vint le jeter entre nos bras;
il avoit amené avec lui des beftiaux par milliers, ce fut
comme une nuée de iàuterelles qui détruit, tout par où il
paffe, & qui périt enfin faute de nourriture dans l’endroit ou
il s’arrête. Ces bçftiaux moururent gn effet prefque tous dç
faim ; c’étoit pour comble de malheur une année de fécherelfe,
le peu d’herbe qui vient'dans les environs de Pondichéry
étoit féche. & brûlée; un boeuf fe donnoit pour une roupie
(quarante-huit fous de notre monnoie), une vache & fon.
veau ne valoient pas plus; il n’y avoit point de Marchands,
parce qu’il n y avoit point de fourrages; la paix le fit à la
vérité en 1 7 6 9 , mais tout le mal étoit fait, & le peuple
11’avoit pas encore grande confiance dans cette paix; les
cultivateurs ne s’emprelfoientni de revenir, ni d’enlêmencer.
Comment d’ailleurs ce peuple auroit-il fait I II avoit perdu
fon unique relîburce, je veux dire les beftiaux ; & le riz
étoit d’un prix exorbitant : voici ce que je trouve à ce fujet
dans mon journal des 23 , 24. & 25 Mars 1769.
«La-plus grande partie de l’armée d’Eder-Ali-kart s’eft
portée vers Madras; pour lui, il eft allé vers Goudelour, «
achever de brûler ce qu’il avoit lailîé la dernière fois : on «
prétend qu’il avoit intention de prendre la ville d’alîâut, «
mais je ne fais s’il auroit tenté l’aventure; au furplus, en «
facrifiant du monde il n’y a pas de doute qu’il ne fût venu «
à bout de Ion ëntreprife. «
Goudelour eft une grande ville, mal fortifiée, ayant au plus «
cent Européens & quatre cents Cypayes pour la garder ; mais «
il eft certain que M. Smith a marché hier au foir, il a campé ««
à cinq à ûx lieues au nord de Pondichéry, & aujourd’hui «
2 5 , il s’eft porté du côté de Goudelour. Si l’exercice eft ««
nécelfaire à la fanté, M. Smith doit bien fe porter, car «
Eder-Ali-kati lui fait faire bien des promenades ; ce qu’il y a «
de mal pour nous , c’eft'qu’il femble que ces Meilleurs aient «
porté exprès le théâtre de ia guerre aux environs de Pondi- «
chéry, & qu’ils agiflent de concert pour nous affamer. Nos «
campagnes font pleines dç beftiaux qui meurent de faim, & «