le moyen de la fonde.' Voici à ce lu jet un exemple de la
dernière importance , rapporté par M. Daprès :
«M. de la Garde-Jafier, Officier des Vaiffeaux du Roi ,
commandant un Vaiffeau de la Compagnie des Indes,
trouva, en paffant par ce canal, la mer changée de couleur,
comme soi eût été fur un fond de trente bralfes : il s’eftimoit
pour lors à terre. Il étoit par conféquent autorifé en quelque
forte à compter fur cette apparence; mais M. de la Garde-
Jafier étoit trop bon Navigateur pour s'en rapporter à cette
apparence; il fit fonder plufieurs fois , fans trouver fond,
avec une ligne de cent foixante braffes. Voyant cela, il
continua fa route à l’E f t , & il ne voulut pas prendre du
Sud que lorfqu’il eut une parfaite connoiffitnce de la côte
de Malabar. La fuite prouva que fans cette fage précaution
le VaiiTeau aurait infailliblement abordé les Maldives. »
En paffant au Nord de toutes les Mes, on eft expofé à
beaucoup d’inconvéniens, dont celui d’alonger confidérable-
ment la traveriee, n’eit pas le moindre qu’on doit éviter.
Le temps qu’on paffe de trop en mer, eft toujours un
temps perdu car c’éft prefque toujours de la promptitude
des voyages que dépend le fuccès d’une opération en mer !
pendant que vous perdez du temps à batailler contre les
îlots, un autre Marin adroit tire parti de toutes les reffources
de fon art ; arrivé le premier à l’endroit deftiné, il fe défait
avec avantage de fa cargaifon ; fi vous arrivez après cette
opération, votre feule prélence fait tomber, en un inftant,
le prix des effets, lùr-tout fi ce font les mêmes que vous ayez
apportés ; d’où il arrive que vous perdez fouvent au lieu de
gagner, & par cette perte vous êtes fruftré du fruit de votre
voyage : ce que je dis ici n’eft pas fans exemple & j’en pourrais
citer plus d’un qui fe font pafles fous mes yeux pendant mon
fejour dans les mers de l’Inde.
Indépendamment de cet inconvénient' il y a le danger
d’être affalé fur la côte de Malabar, par la force des vents
d’Oueft qui y fouillent avec fureur pendant de fort de la
mouflon. Je fais qu’on me dira qu’on peut ranger la côte à
une grande diftance; mais je répondrai, avec M. Daprès, que
cette précaution devient quelquefois inutile, par la violence
des vents & des côurans qui furviennent tout-à-coup.
Je me figure encore le temps épouvantable que j’ai effùyé
en 1 7 6 1 -, fur cette côte, dans le commencement du rever-
fement de la mouflon de l’Oueft, après être paffe au nord de
toutes ces Ifles & les avoir doublées. Un Vaiflèau Turc que
nous Rencontrâmes le 20 Mai, parti depiiis peu de jours de
Surate, dont il étoit forti trop tard, à ce qu’il nous d it , s’étoif
rangé par précaution à 30 lieues au large de la côte, & il
fe propofoit d’entretenir cette diftance autant qu’il lui feroit
poffible : enfin, nul Vaiffeau, dans cette faifon, 11’ofe aborder
à cette côte, comme je l’ai déjà dit. Nous en eûmes à la
vérité connoiffance ; mais quoique nous n’y enflions point
été en danger, le mauvais temps que nous y rencontrâmes
nous fit prendre le fage parti de chercher à nous écarter de
ces terribles côtes.
Toutes ces raifons doivent donc déterminer à paffer par
l’un des deux canaux dont je viens de parler.
Si l’on vouioit cependant palier au nord des Laquedives,
il faut fe méfier des écueils & des bancs qui font au nord
de ces îles , & qui s’étendent julqu’à 13 degrés 2 3 minutes
fur les cartes de M. Daprès. Ces écueils font d’autant plus
à craindre qu’on allure qu’ils ne brifent point ; quant aux