
vîij Dijéours fur l’Hifleirt
ordres, de le d e u r , d’acolyte, de diacre : il avoit appris fous êUJÎ
& la doctrine qu’il devoit enfeigner,& les canons félon lefquels il
dévoie gouverner: énforte qu’il n’y avoit rien a apprendre de nouveau.
11 ne faifoit que monter à la première place, 6c continuer ce
qu’il avoit faitk& vû faire toute fa -vie. On ne croyoit pas, que le
peuple ou le clergé d une églife pût prendre confiance en un inconnu
: ni qu’un étranger pût bien gouverner un troupeau qu il ne
connoifloit pas.
Par la même raifon le choix fe faifoit par les évêques les plus
voifin s,de l’avis du clergé & du peuple de l’églife vacante : c ’eft-à-
dire par tous ceux qui pouvoient mieux connoître le befoin de
cette églife. Le métropolitain s’y rendoit avec tous fes comprovin-
ciaux. On confultoit le clergé, non de la cathédrale feulement s
mais de tout le diocefe. On confultoit les moines , les magiftrats ,
le peuple, mais les évêques décidoient ; & leur choix s’appelloit le
jugement de D ieu , comme parle faint Cyprien. AuÎfi-t&t on fa-
croit le nouvel évêque, & on le mettoit en fondions mais on
avoit tellement égard auconfentement du peuple,que s’il refufoit
de recevoir un évêque, après qu’il étoit ordonné, on ne l’y con-
traignoit pas, & on lui en donno.it un autre qui lui fut agréable.
La p u i f l a n c e temporelle ne prenoit point de part aux éledions: il
ce n’eft depuis la converfion des empereurs, pour les évêques des
plus grands fteges, 6c des lieux où le prince réfidoit. Auifi ces grands
fieges, comme Antioche 6c Conftantinople, furent-ils deilors les
plus expofez à l’ambition. Voilà la promotion des eveques, telle
que vous l’avez vûë pendant les fix premiers iieçles , vous la
verrez encore à peu près iemblable dans les quatre fuivans. Jugez,
par les effets fi elle étoit bonne ; & confiderez le grand nombre de
faints évêques , que cette hiftoire vous prefente , en tous les pais
du monde.
Ces évêques ainfi choifis vivoient pauvrement, ou du moins frugalement
: quelques-uns travaiüoient de leurs mains,, pluheurs étant
tirez de la vie monaftique , en confer voient les pratiques. Le thtu
de ferviteur des ferviteurs de Dieu , 8c les autres lemblables, n on£
paife enformule, que parce qu’ils ont été pris d’abord tres-ferieu-
fement. Je ne fçaGhe aucun Prince temporel, ni aucun magiftrat qui
ait pris de tels titres. Les premiers qui les ont employez, avoient
fans doute en vûë ces paroles de l’évangile: Que celui qui voudra
être le premier entre vous ,f iit le ferviteur des autres : comme le Fils de
l'homme ejl venu pour fe r v ir& non pour être fervi: Ils neAc lo y °^ nt
donc pas que le clergé & les évêques mêmes duiîent être diftin-
guez du peuple par leurs commoditez temporelles : mais par leur
application à l’inftruire, aie corriger, le foulagerdans tous fes be-
foins fpirituels 6c temporels. Il ne s’agit pas, difoit Pla ton , de
faire dans notre république une certaine efpece de gens heureux :
mais de faire la république toute entiere la plus heureufe qu’il cil
poifible aux dépens même de quelques particuliers. A plus forte
raiion dans une république ipirituelle comme l’églife: il eft jufte
que ceux qui gouvernent & qui fervent le public, oublient.leurs
intérêts temporels ; pour procurer le falut ces autres , par leurs
travaux 6c leurs fouffrances.
. Mais, dira-t-on, faint Paul n’a-t-il pas dit que les prêtres quigou-
vent bien font dignes d'un double honneur ; & ne convient-on pas
que cet honneur eft la rétribution temporelle ? Il eft vrai : mais il a
dit auifi : Ayant le vivre & le vêtement foyons-en contens. Les faints
évêques des premiers fiecles ne refuioient pas ians doute aux bons
•ouvriers les commoditez neceflaires; mais ils fçavoient que la nature
fe flatte toujours, & ne garde pas aifément la médiocrité. Ilscrai-
gnoientde mettre les évêques tellement à leur aife, ou’ils ne fuflent
plus évêques. Un laboureur eft très-utile dans l ’état; & faprofef-
iïon meriteroit d’être en honneur. Sous ce prétexte donnez-lui ,
difoit Platon, une charuë d’y v o ir , un habit de pourpre, de la
vaiifelle d’o r , une table abondante 6c jdelicate; il ne voudra plus
s’expofer au foleil & à la pluye, marcher dans la bouë, piquer des
boeufs: en un mot il ne voudra plus labourer,finon quelquefois
en beau tems pour fe divertir. Il en fera de même d’un berger, fï
vous l’habillez comme daqs les P iftorales dç théâtre. En quelque
profeifion que ce fo it, I’ailtifan trop riche & trop à fon aife , ne
veut plus faire fon métier: il s’abandonne au plaifir& àlapareife,
& ruine fon art, par les moyens qui lui avoient été donnez, pour
l ’exercer plus commodément.
Les évêques que vous avez vûs dans cette hiftoire neprenoient
pas le change, & ne préferoient pas l’acceifoire au principal. Entièrement
occupez de leurs fon d ion s, ils ne fongeoient pas comment
ils étoient vêtus ou logez. Us ne donnoient pas même grande
application au temporel de leur églife: ils en laiifoient le foin à
des diacres & des oeconomes, mais ils ne fe déchargeoient fur per-
fonne du fpirituel. Leur occupation étoit la priere, l’inftrudion,
la corredion. Us entroient dans tout le détail poifible; 6c c’eftpar
cette'raiibn que les diocefes étoient fi petits : afin qu’un feul homme
y pût fufiire & connoître par lui-même tout fon troupeau. Pour
faire tout par autrui & de lo in , il n’àuroit fallu qu’une évêque dans
toute 1
eglife. Il eft vrai qu’ils avoient des prêtres, pour les foulager
même dans le fpirituel, pour préfider aux prières & cclebrer le faint
facrifice,encasd’abfence ou de maladie de l’évêqij^; pourbaptifer
ou donner la penitence, en cas de neceifité. Quelquefois même
l ’évêque leurconfioit leminiftere de la parole: car régulièrement il
n’y avoit que l’évêque qui prêchoit. Les prêtres étoient fonconfeil
lome r / I I , b
i . Tbim. r* 17
Ibid. vi. 8.
Rep. 4.
V.
Gouvernement
de l’églife.