
2.0 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
ter. Il apprit des fa jeunefle les arts libéraux, la grammaire
, la rhétorique , la geofnetrie ; mais comme
il etoit fort bien f a i t , craignant de fuccomber aux
attaques de la volupté , il quitta fon p a ïs , malgré
la refiftance de fa mere 6c paiTant dans une autre
province d Irlande, il fe mit fous la conduite d’un
perfonnage vénérable nommé Silen , qui l ’inftruh
iit Ci bien dans les faintes le t t r e s , qu’étant encore
jeune il compofa un traité fur les Pfeaumes ôc
quelques-autres ouvrages. Enfuite il entra dans le
monaftere de Banco r , le plus fameux d’Irlande ,
gouverne alors par l’abbé Commogel ou Congal ;
8c y vécut pluiieurs années , s’exerçant à la mortification,
Pour fe détacher du monde d j plus en
plus, il fe propofa de pafler dans une terre étrangère
a 1 exemple d Abraham. Il communiqua
fon delfein a 1 abbe , qui eut grande, peine à
fe piiver d un tel fecours : mais enfin croïant que
c étoit la volonté de Dieu il y confentit. Saint Co -
lomban aïant reçu fa bénédiction, fortio de Bancor
avec douze autres moines étant âgé de trente
ans. Ils paiTerent dans la grand’B retagne, Se de-là
en Gaule. ^ La foi y étoit entiere , mais la diieipline
fort dechuë , foit par les incurfions des ennemis
étrangers, foit par la négligence des prélats. Il y
avoit peu de lieux où on pratiquât la penitence, 6c
ou 1 on aimat la mortification.
Çolomban prêchoit par tout où il pafloit , ôc
fes vertus donnoient grands poids à fes inftruc-
tions. Il étoit fi humble qu’il difputoit toûjours
du dernier rang avec fes compagnons : ils n’a -
L i v r e . T r i n t e - C i n q u i e ’m e . z i
voient qu'une volonté -, leur modeftie , leur fobrié-
t é , leur douceur , leur patience, leur charité les
faifoient admirer de tous. Si quelqu’un faifoit quelque
faute , tous enfemble s’appliquoient â le corriger.
Peribnne n’avoit rien en propre : il n’y avoit
entr’eux ni contradiction ni paroles dures : quelque
part qu’ils s'arrêtaifent, ils infpiroient la pieté à
tout le monde. La réputation de Colomban vint
jufques à la cour du roi de Bourgogne , c’étoic
Gontran , qui 1 aïant ouï parler le pria de s’arrêter
dans fes états , & lui offrit tout ce qu’il demande-
roit. Le faint homme le remercia, difant qu’il ne
cherchoit qu’à porter fa croix après Jefus-Chrift j
ôechoifit pour fa retraite levafte defert de la V o ig e ,
où il trouva dans les rochers 8c à l’endroit le plus
rude un vieux château ruiné nommé Ana g ra te s , à
prefent Anegray i 8c s’y établit avec les fiens. Ce fut
fon premier monaftere.
ils n’y vivoienc que d’herbes Se d’écorces d’arbres
; 8e un d’entre-eux étant tombé malade -, î lsn’a-
voient rien pour le foulager, quand ils virent à la
porte du monaftere un homme avec des chevaux
chargez de pain 8e d’autres vivres, il leur dit qu’il
avoit été tout d'un coup infpiré de les fecourir ; 6C
les pria de demander â Dieu la gueriibn de fa femme
malade de la fièvre depuis un an. Ils prièrent,
8e elle fut guerie à l’inftant. Une autre fois aïant
•pafTé neuf jours fans autre nourriture que des écorces
8e des herbes iauvages, Caramtoc abbé du monaftere
de Salice , averti en fonge de leur befoin ,
envoïa Marculfe fon cellerier leur porter des pro^