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étoient quantité de livres fur les planches, principalement
la fainte écriture, qu’il liio it après la pfal-
modie 8c l ’oraifon ; 8c pluiieurs de fes domcftiques
chantoient avec lui l’office canonial le jour 8c la
nuit. O n nomme entre eux Bauderic Ion affranchi
, Tituen fon valet de chambre de la nation des
Sueves, qui fut martyr. Buchin qui avoit été payen
8c devint abbé de Ferrieres : André , Martin 8c
Jean , qui par fes foins devinrent c le r c s ., A u haut
de fa chambre étoient fufpenduës pluiieurs re liques
des faints, fous lefquelles il le profternoit fur
un çilice pour prier , & paifoit quelquefois ainiï
toute la nuit. Après l’oraifon il chantoit des pfeau-
mes pour fe foulager, puis il prenoit la leéture,
qu’il interrompent fouvent en levant les yeux au
c ie l, en foupirant 8c en pleurant abondamment :
car il avoit un grand don de larmes. Quoique le
roi le mandât & lui envoyât meflage fur meifage ,
il n’alloit point qu’il n ’eût achevé les exercices de
pieté. Il ne fortoit jamais de chez lui, fans prier 8c
faire le ligne de la croix ; & en rentrant il commençait
toujours par la priere.
Il étoit de grande ta ille , avoit la tête b e lle , les
cheveux fn fe z , le teint rouge : la fimpheité 8c la
prudence éclatoicnt dans fes regards. D u commencement
il portoit des habits magnifiques , 8c
quelquefois tout de ib ie , quoiqu’encore rare , des
chemifes brodées d’or , des ceintures 8c des bour-
fes garnies d’or 8c de pierreries. Mais ayant fait un
plus grand progrez dans la v e r tu , il donna tous
ces ornemens aux pauvres , 8c s’h abilloit fi n cgli-
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gemment, qu’on le v o y o it fouvent ceint d’une corde.
Le roi le vo yan t ainfi , lui donnoit quelquefois
fon habit & fa ceinture. Les aumônes d’Eloi
étoient immenfes : il donnoit aux pauvres tout ce
qu’il recevoit des bienfaits du roi. Si quelque étranger
demandoit fon logis, on lui difoit : A lle z à une
telle rue , â l’endroit où vous trouverez quantité de
pauvres affemblez. Ils le fuivoient toujours en foule
, & il leur donnoit ou de fa main, ou par un do->
meftique, de la nourriture 8c de l’arg en t. Tous les
jours il en nourrilToit chez lui un grand nombre |
qu’il fervoit de fes propres mains', & mangeoit leurs
relies:. Il leur donnoit du vin 8c de la chair, quoiqu’il
n’en ufât point lui-même ; 8c il jeûnoit quelquefois
deux ou trois jours de fuite. Quelquefois
l ’heure étant venue & la table mife, il n’avoit rien
à donner â fes pauvres, ayant tout diftribué auparavant
: mais il fe confioit en la providence , qui
jamais ne lui manqua , par la ' libéralité du roi ou
d’autres perfonnes pieuies. Il prenoit foin de faire
enterrer les corps des fuppliciez.
Il avoit une dévotion particulière à racheter les
captifs. Quand il fçavoit que l’on alloit vendre
quelque part un cfclave , il y couro it, & il en ra-
chetoit des cinquante & cent â la fo i s , principalement
des Saxons , que l’on vendoit à grandes
troupes. Il lesmettoit en liberté, puis il leur donnoit
le choix de retourner chez eux , de demeurer
avec l u i , ou d’entrer dans des monafteres, & D r e -
noit un grand foin de ces derniers. Il fonda deux
monafteres célébrés , un prés de L im o g e s , l’aucrç
V u ij