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avec là bénédiction de l’abbé & des freres, il alla à
Bourges, où faint Auftregifile, qui en étoit évêque,
8c faint Sulpice alors archidiacre, le reçurent fa v o rablement,
& lui firent bâtir une cellule prés de l’é-
g life . Il y demeura environ quinze an s , couvert
d ’un eilice & de cen dre , jeûnant & viv an t feulement
d’un pain d’orge 8c d’eau.
Enfuite i l alla à Rome, où voulant paiTer la nuit
en prieie dans l’églife de iaint P ie rre , les officiers
qui la gardoient l’en chaiTerent avec injures ; &
comme il étoit affis en déhors fur les d e g re z , faint
Pierre lui apparut 8c l ’exhorta à retourner dans les
Gaules pour prêcher. I l o b é it, 8c quelque tcms.a-
p r é s , vers l’an 6%6 . le roi Clotairc 8c les évêques le
contraignirent d’accepter l ’épifcopat, mais fans ré-
fidence déterminée. Etant ainfî ordonné évêque,
il commença à prêcher la fo i aux infidèles, dans les
territoires de Tournai 8c de G a n d , 8c dans le Bra-
bant il rachetait autant qu’il pouvoitde jeunes capt
if s , & après les avoir b ap tife z,il les laiiToit en d i-
vcrfes églifes : & plufieurs devinrent
prê-
trè s, abbez ou évêques.
Jufq ues: là perfonne n’avoit ofé prêcher dans le
païs de Gand, tant à caufe de la fterilité de la terre,
que-de: la férocité des h abitans, qui adoroient des
arbres 8c des idoles. Saint Amand touché de com-
paffion pour eux alla trouver faint Acaire de N o y o n ,
comme 1 cvêque le plus proche, & le pria d’aller au
plutôt vers le roi D a g o b e r t, 8c de prendre fes ordres
par é c r i t , pour contraindre à recevoir le
baptême ceux qui le refuferoient. C e qui fut excdepuis,
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eute : & c’eft le premier exemple de pareille conduite,
que j’aye remarqué à l ’égard des payons.
Car j ’cn ai déjà rapporté quelques-uns pour les
Juifs ; 8c Dagobert lui-même o rd onna , que tous Sup. x x x v .
ceux de fon royaume fe feroient baptiier. Ce qui (
femble difficile à accorder avec la maxime rapportée ’ “
par faint G rég o ire , que les converfions doivent
être volontaires. Saint Amand ayant reçu cet ordre
du r o i , 8c la bcnedi&ion de l ’év êqu e , marcha
hardiment chez les Gantois : mais il ne laiifa pas
d’y fouffrir des peines incroyables. I l fu t fouvent
repouifé avec injures par les femmes ou les païfans:
fouvent battu ou jetté dans la riviere. Ceux même
qui l’avoient accompagné l ’abandonnèrent pour la
fterilité du lieu : mais il continuoit de prêcher, v i vant
du travail de fes mains. U n miracle rendit les
barbares plus traitables. T o tto n comte François
rendant juftice à T o u rn a i , faint Amand lui de manda
la grâce d’un vo leu r , qu’il avoit condamné
à mort : mais il ne laiifa pas de le -faire,exécuter &
attacher au g ib e t , où il expira. Saint Amand fit
apporter le corps dans la chambre, où il avoit a c-
coûtumé de prier. Le mâtin il demanda de l ’eau,
& les freres qui croyoient que c’étoit pour laver le
corps avant que de l ’en feve lir, furent bien furpris
de trouver un homme v iv a n t , affis & parlant avec
le faint. I l fit laver le reiTufcité, & referma tellement
fes playes, qu’il n’y paroiffoit plus, puis il le
renvoya chez lui. Baudemont qui rapporte ce fa it,
dit 1 avoir appris du p rêtre B o n , qui difoit y avoir
c te prefent. Le bruit de ce miracle s’étant répan