
5i 8 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
-* ““ qui I’accompagnoieut, étonnez de la confiance du
A n . pape , fe retirèrent après avoir, mis par écrit toutes
fes réponfes.
ix . Le pape faint Martin demeura donc dans la prifon
de Diomede quatre-vingt-cinq jours, qui font
prés de trois mois , & avec les trois mois de la première
prifon, prés de fîx : c’e fl-à-dire depuis le dix-
feptiéme de Septembre 6$4. jufques au dixième
de Mars 6$$. Alors le ftribe Sagoleve lui v in t dire
: J’ai ordre de vous transférer chez m o i , & de
vous envoïer dans deux jours où le facellaire commandera.
Le pape demanda où on le vou lo it mener
: mais il ne voulut pas lui dire, ni lui permettre
de demeurer dans la même p r ifo n , jufques à fon
exil. Vers le foir le pape dit à ceüx qui étoient auprès
de lui : V e n e z , mes freres, diions-nous adieu,
on va m’enlever d’ici. Alors ils burent chacun un
coup; & le pàpe fe levant avec une grande confiance,
dit à un des afliflans, qu’il aimoit : V en e z , mon
frere, donnez-moi la paix. C e lu i-c i, qui avoit déjà
le coeur fe r ré , ne put retenir fa douleur, &c fît un
grand c r i l e s autres s’écrièrent aufïî. Le faint pape
les regardant d’un vifage ferein , les en reprit ; &
mettant les mains fur la tête du premier , il dit en
foùriant : T o u t ceci efl bon, mon frere, il efl avantageux
: faut-il en ufer ainfî ? V ous devriez plutôt
vous rejoiiir de mon état. C e lu i-c i lui répondit :
D ieu le fç a it , ferviteur de J e fu s -C h r ifl, je me ré-
joiiis de la gloire qu’il vous prépare: mais je m’afflige
de la perte de tant d’autres. Après donc l’avoir falué
tou s , ils fe retirèrent, A u ili- tô t vint le fe r ib e , qui
L i v r e t r e n t e - n e u x i e ’m e . <¡19
l’emmena dans fa maifon : & il fut dit, qu’on l ’en-, “
vo y o it en exile à Cherfone. N*
En effet,on le fît embarquer fecretement le jeudi epj/i. ij
fa in t , qui cette année 655. étoit le vingt-fîxiéffie
de Mars , & après avoir paffé en divers lieux , il
arriva à Cherfone le quinzième de Mai. C ’efl lui-
même qui le dit ainfî, dans une lettre qu’il écrivit à
un de Tes plus chers amis à C . P. où il ajoute : Le
porteur de cette lettre efl arrivé un mois après nous
de Byzance à Cherfone. Je me fuis réjorii de fon
arrivée, croyant que l’on m’auroit envoyé d’Italie
quelque fecours , pour ma fubfîflance. Je le
lui ai démandé, & ayant appris qu’il n’apportoit
rien, je m’en fuis é ton n é , mais j’en ai loüé D ie u ,
qui mefure nos fouffrances comme il lui plaît. V u
principalement, que la famine & la difette efl telle
I en ce païs, que l ’on y parle de pain , mais fans en
voir. Si on ne nous en vo yé du fecours d’Italie ou
de P o n t, nous ne pouvons abfolument vivre ici.
Car on ne peut y rien trouver. Si donc il nous-
vient de là du b lé , du vin, de l’h u ile , ou quelque
"autre chôfe, envoyez-les nous promptement, comme
vous pourrez. Je ne crois pas avoir fî maltraite
les faints qui font à R om e , ou les ecclefiaftiques,
qu’ils doivent ainfî méprifer à mon égard le commandement
du feigneur. Si faint Pierre y nourrit
fî bien les étrangers, que dirai-je de n o u s ,. qui
fommes fes ferviteurs propres, qui l’avons fervi du
moins quelque peu, &i qui fommes dans un tel exil
& une telle affli£tion ? Je vous ai fpecifîé certaines
ch o fc s , que l ’on peut acheter par de là , &c que je