
634 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
y apporta, comme j’ai d it , les reliques de faint Beno
ît. L e monaftere de Lerins étant tombé dans un
0 grand relâchement, après la mort de l ’abbé V in c
en t, les moines demandèrent au roi un abbé pour
le reformer. I l leur donna A igu lfe ; qui y fut t ie n
re çu , & y travailla utilement : les efprits fe réuniren
t, les moines qui étoient fo r t is , re v in r en t , le
peuple fut édifié. Mais deux moines nommez A r cade
& C o lom b , prirent en haine le nouvel abbé ;
& ayant formé un parti, tentèrent de raiTaifiner,
& avec lui les plus vertueux du monaftere. C eu x -c i
f e réfugièrent dans l ’églife de faint Jean ; & faint
A ig u lfe ayant reprefenté aux rebelles la grandeur
de leur crime : ils demandèrent p a rd o n , & demeurèrent
un an en repos.
Mais ils craignirent que le bruit de leur confpi-
ra tion , n’allât jufques au roi, & qu’il ne les fit punir
: c’eft pourquoi Arcade fortit du monaftere,
pour chercher de la protection au dehors , & C o lomb
y demeura pour cabaler au dedans. Arcade
voulut rentrer, feignant de fe repentir: mais le
faint abbé lui fit fermer la porte. Il eut donc recours
à un feigneur voifin nommé M om m o l, &
lui perfuada d’aller à Lerins,, l’ affurant qu’il y
trouveroit de grands trefors : il y fut bien reçu
par l ’a b b é , qui le connoiifoit : un évêque nommé
O ü en , fit avertir faint A ig u lfe , que l’on conjuroit
contre lui. O n croit que c’eft faint Oüen de
Rouen : car il fit le vo y ag e de Rome , la quatrième
année du pape A d cod a t, qui eft l ’an 6 7 7 . L ’avis
n’êtoit que trop vrai ; comme faint A igu lfe étoitâ
L i v r e t r e n t e - n e u v i ë ’ m e , 6 3 /
table avec Mommol, Arcade entra bien accOmpa-
g n é , prit l’a b b é , le chargea de coups de b â ton ,
&c le mit en prifon avec les moines qui lui étoient -
les plus fournis.
Le lendemain Arcade les alla v o ir , & feignant
qu’il n’étoit point l ’auteur de cette violence , leur
fit apporter à manger : mais comme il n’étoit que
l’heure de tierce, ils le refuferent parce qu’il étoit
jeûne , & ils ne devoient manger qu’à None.
Mommol , qui s’étoit retiré , revint trois jours
après, & demanda à chaque m o in e , où étoit fon
argent. Ils répondirent to u s , que l’abbé ne leur
permettoit d’avoir rien en p rop re , pas même leur
volonté : il emporta ce qu’i l put des biens communs
du monaftere. Après que faint A igu lfe &c
fes difciples, eurent été dix jours en prifon , Arcade
& C o lom b les mirent dans un vaiifeau, pendant
un grand orage , leur firent couper la langue , &
crever les y eu x , & les revêtirent de mêchans habits.
Enfuite on les mena dans une petite iile vers
la Sardaigne, où on acheva de les maiTacrer. Leurs
corps furent depuis rapportez à Lerins , par
les foins de l’abbé R ig om e r , fucccifeur de faint
A ig u lfe : la reforme continua, & le monaftere fut r.
Elus peuplé & plus floriiîant que jamais. L ’églife s'?f-
onore faint A igu lfe , & fes compagnons, comme
m ar tyr s , le troifiéme de Septembre, 6e le peuple
le nomme faint A y o u l.
A g ir ic prêtre &c abbé de faint Martin dcTours , rv.
> 11 ' \ -r» r 1 r • 1* r Privilège de faint étant aile a Rome viliter les laints lie u x , prelenta Martin de Tours,
au pape A d eod a t, le privilège que Chrodobert ou
L l l l ij