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' venir faire fes prières & oüir les inftruétions, & où
l’on enterrât les morts. Car il c ro y o it, qu’ils y fe-
roient fo r t aidez par les prières des moines. L ’évê-
cjuc choifit un lieu dans des montagnes rudes &
ecartées ; & demanda permiflion au roi d’y demeurer
en priere durant le carême, qui étoit proche.
Pendant tout ce tems , il jeûnoit jufques au foir
tous les jou r s , hors les dimanches ; & ne prenoit
qu’un peu de pain avec un oe u f , & un peu de lait
mêlé d’eau. Par où l’on v o i t , qu’en ce païs-là les
laitages, ni même les oeufs, n’étoient pas défendus
en carême. C etoit l’ufages des moines, chez qui le
faint évêqüe avoit été é levé , de confacrer par des
prières & des jeûnes, le lieu où ils dévoient bâtir
un monaftere ou une églife. Comme il reftoit encore
dix jours du carême, le roi le fit appeller ; &
il pria le prêtre C ym b e lle fon frere, d’achever cette
préparation du lieu. Car ils étoient quatre freres
tous prêtres, Cedde, C ym b e lle , Ce lin & Ceadda,
dont le premier & le dernier furent évêques. A in iï
fu t fondé le monaftere de Leftington , fuivant
la réglé de Lindisfarne, où le v êq u e Cedde avoit
été élevé. Il y mit pour abbé, après lu i, fon frere
Ceadda.
. , Cependant le pape faint Martin étoit dans Tille
M a r t in a . i n i / a i r t l 1 de N a x c , ou les eveques & les fideles du pais.lui
m &'■ envoyoient fo u v e n t , & en grande qu antité , de-
- • •' quoi foulager fes befoins. Mais aufti-tôt fes gardes
pilloient tout en fa prcfence , le chargeant de reproches
injurieux. Ils maltraitoient même de paroles
& de coups, ceux qui apportoient les prefens,
L i v r e t r h n t e - n e ux î e’m é .' yo«>
& les chalfoient, en difant : Quiconque aime c e t -----
homme, eft ennemi de l’état. Le faint pape fentoit
plus vivement les injures de fes bienfaiteurs, que
les douleurs de fa goûte & de fes autres incommo-
ditez. Etant partis de Naxe & arrivez à A b yd e ,
ceux qui le conduifoient envoyèrent à C .P . donner
avis de fon arrivée : le traitant d’heretique , d’ennemi
de Dieu & de reb e lle , qui foulevoit tout
l ’empire. Enfin faint Martin arriva à C . P. le d ix -
feptiéme jour de Septembre ffy4 . On le lailfa au
port depuis le matin jufques â quatre heures après
midi : dans le vaiiTeaucouché fur un grabat, expofé
en fp e a a c le à tout le monde. Pluiîeurs in fo len s ,
& même des payens, s’approchoient, & lui difoient
des paroles outrageantes. Vers le couché du foleil,
vint un feribe nommé Sagoleve , avec plufieurs
gardes. O n tira le pape de la barque, on l’emporta
fur un brancard ; on le mena dans la prifon nommée
Prandearia, & Sagoleve défendit, que perfon-
ne de la ville ne fçût qu’il y étoit. Le pape demeura
donc enfermé dans cette prifon , fans parler à
perfonne , pendant quatre-vingt-treize jours, qui
font trois mois : c’cft-à-dire depuis le dix-feptié-
me de Septembre , jufques au quinzième de D é cembre.
C e fut apparemment de là, qu’il écrivit les deux
lettres a Théodore. Dans la première, il fe jufti-
fie contre les calomnies dont on le chargeoit; pre- cor‘c'i '
mierement par le tém oigna ge , que le clergé de
Rome avoit rendu de fa fo i en prefcnce de l ’exarque
Calliopas, enfuite par la proteftation qu’il fait Sup
S f f iij