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toutes les autres nations : mais ces traditions n’etant
point fixées par l’écriture, éroient mêlées de quantité
de fables. Outre leur poëfie ils avoient une ef-
pece d’éloquence I qui confiftoit en des penfées
brillantes, des figures hardies, quelque choix de
paroles & quelque cadence de périodes. Mais rien
de folide ne foûtenoit ces difeours, qui n’avoient
ni ordre ni juftciTe de raifonnement. Cependant,
comme Mahomet excelloit en ce genre d’éloquence
: aïant affaire à des gens auffi ignorans que lu i ,
il leur perfuada ce qu’il voulut.Car il parloit dune
maniéré proportionnée à leurs idées & à leurs préjugez.
Les Juifs & les Chrétiens leur prêchoient
depuis long-tems l’unité de Dieu : les Sabiens
même reconnoiffoient un premier être fouveraine-
ment parfait.Plufieurs d entre les idolâtres croïoient
la refurreftion non feulement des hommes , mais
des bêtes : & les faifoient enterrer avec eux pour
s’en fervir en l’autre vie. La circoncifion, les ablutions
fréquentes, le pèlerinage au temple de la Me-
que, étoient des traditions anciennes chez les Arabes.
L’abftinence du fang étoit encore obfervée,
non feulement par les Juifs, mais par les Chrétiens,
dont plufieurs s’abftenoient auffi du vin par piete.
D ’ailleurs il eft rare dans ce pais fterile , où il faut
l ’apporter de loin , & la chaleur fait que l’eau y eft
plus d’ufage : enfin il eft dangereux à des gens
toûjours armez. On étoit accoutumé à voir les
Chrétiens prier fept fois le jour & une partie de
la nuit ; jeûner le carême, donner la dixme,& faire
de grandes aumônes. Il ne reftoit prefque p lu s ,
que
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que d’abolir chez les Arabes l ’idolatrie déjà éteinte
dans tout l’empire Romain, décriée par tout le
monde.
Mohomet ne laifTa pas de trouver une grande HÉ
refiftance , principalement dans ceux de fa tribu , H=S
c’eft-à-dire les Corifiens. On le traitoit d’infenfé,
de démoniaque & d’impofteür ; & fur tout on lui
demandoit des miracles , pour preuve de fa mif-
fion. J l répondoit : Dieu vous a fait voir plufieurs
miïacles , mais la plupart d’entre vous ne les con-
noiffent pas : les animaux qui marchent fur la terre Au,r. c. de*
&c les oifeaux qui volent en l’air, font du nombre Wm 1 c f t* ijo. c. de jonde
les créatures. Et enfuite : Les miracles viennentn/- ' «• *
de Dieu : les hommes ne fçavent pas le tems o ù 'i f ï * ‘ "s)t <*Viles
fera paroître : quand ils veroient des miracles
ils ne ie convertiroient pas. Et ailleursrlls ont dit :
Nous ne croirons pas au prophète , fi nous ne
voïons quelque miracle. Dis-leur : Je ne fuis envoyé
, que pour prêcher la parole de Dieu. Il di-
foit que Dieu avoit fait affez de miracles par Moi-
fe , par Jefus & par les autres prophètes. Enfin il
fe jettoit dans fes lieux communs, qu’il repetoit
fans ceffe : de la puiffance de Dieu , du jugement,
de l’enfer & du paradis. Les Corifiens , après s’être
déclarez contre Mahomet, le proferivirent enfin,
par un écrit affiché dans le temple de la Meque ' :
défendant au refte de leur tribu d’avoir aucun
commerce avec les enfans d’Haichem ; c’étoit la
branche de Mahomet, & de fes trois oncles, qui
foutenoient fon parti. Sa doéfrine avoit déjà fait
quelque progrès dans le refte de l’Arabie : particü-
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