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---------- ceux-ci envoïerent au pape Alexandre, qui étoit en
A n. 1163, prancC) pour faire confirmer leur éleèfion. Lepape
différa de donner réponfe aux députez , ne doutant
point que l’autre parti n’ envoïât auffi les fiens. C e pendant
quelques chanoines plus modérez , quoi
qu’en petit nombre , voulant réünir les deux part
is , propoferent d’élire Anthelme Chartreux de
grande réputation. Tous s’y accordèrent avec joies,
même celui qui avoit été élu le premier : car il étoit
parent d’Anthelme. Mais comme ils favoient qu’il
feroit très-difficile de le tirer de fa folitude , ils allèrent
promptement trouver le pape Alexandre .*
qui plein de joie les félicita d’avoir pris un fi bon
parti,& leur dit qu’ils feroient heureux fous un tel-
pafteur. Il y fit confentir , quoi qu’avec peine, les
premiers députez; 8c les ayant tous réunis,il écrivit
à Anthelme, lui ordonnant par l’autorité du faint
f iég e, de fe charger de l’églife de Bellai ; 8c manda
au prieur & aux religieux de la grande Chartreufe
de le donner à ceux qui le demandoient, 8c s’il re-
fufoit d’accepter de l’y contraindre par autorité.
,.17. Mais Anthelme aïant appris ce qui fe paffoit &
l’arrivée de ceux qui dévoient l’emmener; réfolut
de s’enfuir 8c fe cacha. Les Chartreux le cherchèrent
fi-bien qu’ils le trouvèrent ; 8c l’aïant amené
avec bien de la peine à la communauté aifem-
blée, ils lui expoferent l’ordre du pape 8c lui montrèrent
fes lettres. Le prieur y ajouta fon commandement
, les religieux leurs exhortations , les
députez leurs prières au nom de toute l’églife de
Bellai : mais Anthelme demeura ferme àrefuferr
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proteftant qu'il ne fortiroit jamais de fon déferr.
Enfin par un pieux artifice on lui propofa le choix,
ou d’obéïr au pape ôe d’accepter, ou d’aller trouver
le pape même: qui , diioient-ils, connoifTant
fa réfolution ne lui feroit pas de violence. Flatté de
cette efperance il fe mit en chemin, mais les députez
fe gardèrent bien de le quitter. Quand il fut
arrivé auprès du pape Alexandre, il fut reçu avec
honneur de lui Sc de toute fa cour : car ils le con-
noifToient pour homme d un grand mérité , 8c
lorfqu'il eut audiance du pape, il dit qu’il n’étoit
venu que pour lui demander grâce , 8c le prier de
ne le pas contraindre à faire ce qui n’étoit avantageux
ni à lui- même ni à l’églife qui le demandoit.
Q u ’il étoit un ignorant, un homme fans expérience
, un miferable : enfin qu’il avoit fait voeu de ne
point fortir de fon defert,
Le pape lui répondit : Mon fils, ne prétendez
pas nous impofer par de mauvaifes exeufes, nous
connoiflons vos talens: pourquoi vous découragez-
vous ? il faut obéir. Je ne me dédirai £as de ce que
j ’ai écrit. Vous avez promis de renoncer à vous-
même 8c de fuivre J. C. Il faut donc l imiter en fon
obéïiTance , 8c renoncer à votre propre volonté.
Le-pape le confondit par ces difeours 8c le réduifit
à garder le filence. Enfuite il le facra folemnelle-
ment de fa main le jour de la Nativité delà Vierge,
qui cetteannée 1163.étoit ledimanche. Lepape
le retint quelques jours auprès de lui , 8: comme
les prélats de la cour de Rome s’entretenoient
familièrement de diverfes choies avec Anthel-
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