
190 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
— * Or Thomas avoit à craindre non - feulement
A N .n <>4. Philipped’Alfacecomte de Flandres, mais encore
j. Matthieu comte de Boulogne fon frere. Ils étoient
par leurmere Sibille d’Anjou coufinsgermains du
roi d’Angleterre : qui avoit mandé à Philippe &
aux feigneursde Flandres, que Thomas s’étoit en-
fui de fon royaume comme un traître ; & le comte
de Boulogne avoit époufé une abbeife fille du roi
Eftienne, malgré l’oppofition de Thomas : qui
étant lors chancelier avoit fait fon poffible pour
empêcher ce mariage fcandaleux. Il partit donc de
Graveline avant le jour ayant fait douze lieuës
à p ied , par un chemin boüeux & gliifant, il arriva
àClairmarais monafterede Cîteaux près faint
Orner. Le même jour arrivèrent à faint Omer les
prélats que le roi d’Angleterre envoyoit au pape :
c’eft pourquoi l’archevêque partit de Clairmarais
la nuit mêmeaprès matines, & fe retirai uneher-
mitage de fai-nt Bertin, où il demeura trois jours
caché : puis à la priere de l’abbé & des moines il
vint à faint Bertin même.
Cependant les envoyez du roi d’Angleterre allèrent
trouver le roi de France Loüis le jeune à
Compiegne , & lui rendirent les lettres de leur
maître; portant que T h om as, ci-devant archevê*
que de Cantorberi, s’étoit enfui de fon roïaume,
comme un traître ; c’eft pourquoi il prioit Loüis
fon feigneur de ne le pas recevoir dans fes terres.
Le roi de France fe récria fur ces mots: Ci-devant
archevêque ; & demanda qui l’avoit dépofé. Puis
il ajouta: Allurément je fuis roiauifi-bien que le
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roi d’Angleterre, & toutefois je ne pourrôis pas
dépofer le moindre des clercs de mon royaume.
Hébert deBofcham , & un autre de ia compagnie
de l’archevêque, fuivoient pas à pas les prélats envoyez
du roi, fans qu’ils le fçûifent, car ces prélats
les précedoient toujours d'une journée. Hebert &
fon compagnon vinrent donc aufli trouver le roi
de France, qui connoiiloit & eftimoic Thomas dès
le tems qu’il étoic chancelier. Il s’informa s’ils
étoient de fa famille; & l’ayant appris il les falua
par le baifer,ôt les écouta favorablement.Quand ils
fui eurent raconté, fuivanr l’ordre du prélat, l’hif-
toire lamentable de fes peines & de fes périls , le
bon prince en fut attendri; & leur dit de fon côté
que le roi d’Angleterre lui avoit écrit contre le prélat
& ce qu’il lui avoit répondu : puis il ajouta:
Avant que de traiter fi rudement un homme d’un
fi grand rang & fon am i, il dévoie fe fouvenir de
ce verfet:Mettez-vous en colere8t ne pechez point.
A quoi un des envoyez répondit : Sire, il s’en feroit
peut-être fouvenu, s’il l’avoit oui chanter à l’office
auffi fouvent que vous ; &. le roi foûrit. Le lendemain
le roi ayant tenu confeil avec ceux qu’il avoit
auprès de lu i, accorda à l’archevêque de Cantorberi
la paix &c ia fureté dans fon royaume ; & en con-
gediant fés envoyez il ajouta : Il eft de l’ancienne
dignité de la couronne de France, que les exilez
principalement les perfonnes ecclefiaftiques trouvent
dans le royaume fûrecé & protection.
Les envoyez de l'archevêque fe retirèrent très-
co n ten s, & iuivant leurs ordres ils ieprefterent
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xr.
Thomas bien
reçu du roi
Louis.
c. 7 .
XII.
Envoïez d’Angleterre
devant
le pape.