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pauvres & brûlez par les bords ; mais je connus depuis,
que pendant toute fa vie il n’eut aucune attention
à la maniéré dont il étoit vêtu. Il demeura
à Cafemaire environ un an 8c d em i, diélant 8c
corrigeant enfcmble le livre fur l’Apocalypfe & la
Concorde. Et il commença en même temps le livre
du pfalterion à dix cordes.
L’abbé me donna à lui pour lui fervir de fecre-
taire ;& j’écrivois jour & nuit dans des cahiers ce
qu’il didtoit & corrigeoit fur des brouillons, avec
deux autres moinesfes écrivains. Je lui fervoisaufli
la mefFe, admirant toutes fes maniérés -, car quand
il ben (Toit l’hollie il levoit la main plus haut que
les autres prêtres , 8c faifoit toutes les cérémonies
avec plus d’attention. En cette action fon viftge
ordinairement pâle changeoit de couleur & paroif-
foit angelique. Il difoit la melfe tous les jours pendant
les oébaves de Pâques 8c de la Pentecôte. Il
avoit grand foin de la propreté de l’autel. Son vi-
fage s’animoit de même quand il nous prêchoit en
chapitre , ce qu’il faifoit fou vent par commiffion
de l’abbé II cornmençoit d’un ton aifez bas, l’éle-
voit peu à peu , continuoit avec force 8c vivacité ;
faiiant une telle impreiîion qu’on ne le trouvoic
jamais trop long. Il paifoit les nuits à écrire & à
prier, fans manquer à l’office de la communauté ,
ni s’y endormir. Il ne fe mettoit point en peine
de la qualité ni de la quantité de la nourriture. Il
avoit un zele merveilleux pour la chafbeté, dequoi
plufieurs évêques & plufieurs moines lui rendoient
témoignage. Je l ’ai vû quelquefois à genoux les
L i v r e s o i x a n t e - q u a t o r z i e ’me . 59$
mains & les yeux levez au ciel parlant à J. C . comme
s il 1 eut vu face a face. J’ai paifé avec lui un.
Carême pendanflequel, hors les dimanches & lès
fetes, il ne prenoit tous les jours qu’un peu de pain
& d eau ; 8c plus il faifoit d’abftinence, plus il pa-
roiiToit avoir de force 8c de gaieté.
Etant abbe de Curace il alloit fouvcnt nettoïer
îui-inême l’infirmerie, faire les lits, vifiter la cui-
iïne 8c pourvoir à tous les befoins des malades. En
voïag eil defcendoit quelquefois de cheval, 8c y
faifoit monter fon valet pour le délaifer ; dans un
grand hiver il donnoit aux pauvres jufqucs à fes
habits. Il exerçoit 1 hofpitalité libéralement ; il n’y
avoit que fes parens à qui il étoit dur, & ne leur
donnoit jamais rien. Il fe plaifoit au travail des
mains principalement en commun, & s’en acquit-
toit avec une force incroiable, aïant un corps ro-
bufte, qui fouffroit aifément le froid, le chaud, la
faim 8c la foif. Tel étoit l’abbé Joachim, fuivant
le témoignage de l’archevêque de Cofence.
Cependant le nouveau roi d’Allemagne Henri
V I . vint en Italie pour fe faire couronner empereur
8c foutenir les droits de la reine Confiance
fon époufe fur le roïaume de Sicile. Mais comnle
il approchoit de Rome le pape Clement III. mourut
le vingt huitième de Mars 1191. après avoir
tenu le S. fiege trois ans & deux mois. Deux jours
après on élut en fa place le cardinal Hyacinte diacre
du titre de lainte Marie en Cofmedin, qui fut
nommé Celeflin III. Il avoir été diacre foixante 8c
cinq ans, 8c par confequent n’en avoir guere moins
X X V II I .
Mort de Cle«-
ment I I I . Celef-
tin I I I . pape.
Arnold Lube6Î
Vf. c. 4. Chr,
Richard. de 5 «
Germ.
Chr. Reicherfg
ann. 1 191,