
C$6 H i s t o r e E c c l e s i a s t i q u e .
paifa en Normandie & fit la guerre au roi Philippe,’
l? 5‘ qui étoic entré furfes terres..Ayant befoin d’argent
pour foûtcnir cette guerre, il envoya en Angleterre
l’archevêque, j’entens Hubert de Cantorberi,
avec ordre d’aifembler les évêques &c les -autres
prélats, & leur demander un fubfide. Saint Hugues
ayant examiné l'affaire attentivement , & trouvant
qu’elle tourneroit à la charge du pauvre peuple
, répondit qu’il ne confentiroit point à l’exe-
cution de cet ordre; & il fe trouva un antre évêque
, qui ayant oui les raifons qu’il déduifoit amplement
, fe rangea, à fon avis. L’archevêque le
trouva fort mauvais, & retourna promptement
porter fes plaintes au roj ; qui outré de colere dit
à un de fes courtifans : Autant que tu aimes ma
v ie , je te commande de ruiner entièrement Hugues
& l’évêque qui s’eft attaché à lui. Çe dernier
évêque fut donçehaiTé de fon fiége , tous fes biens
confifquez, & il demeura quelque temps banni du
roïaume. Enfin par le iecours de fes amis, il fut
reçu à fe jetter aux pieds du roi, implorant fa çle-
mence Se promettant de ne jamais s’oppofer à fes
volont.cz.
Mais quand il vint des gens armez pour traiter
de même l’évêque de Lincolne, avant qu’ils
euifent touché rien, il les fit tous dénoncer excommuniez
au fon des cloclies dans les paroiifes
vpifines. Sa magnanimité les étonna , & ils fe retirèrent
fans rien faire ; car on craignoit terriblement
les cenfures du prélat, qui fouvent étoient
'■ fuiyies de morts fubipes affreufes, de poiTcffians
L i v r e s o i x a n t e -q u a t o r z i e ’m e . ¿37
du démon, ou d’auttes marques fenfiblesde la vengeance
divine. Toutefois craignant en cette occa-
fion d’attirer fur fon troupeau les effets de l’indignation
du ro i, il alla le trouver, quoiqu’éloigné,
prenant le péril fur lui. Comme il approchoit de
la cour quelques gens de bien vinrent au-devant,
le priant de fe retirer , & ne fe pas prefenter au
r o i , de peur que fa mort n’attirât la colere de
Dieufur leroyaume, comméla mort de faint T h o mas.
Mais il n’açquiefça pas à cette propofition ;
& comme un de ceux qui la faifoit s’offroit pour
médiateur, il lui répondit : Q u o i, vous voulez que
je m’épargne ppur vous mettre en danger, vous
& vos enfans ? Auffi-tôt il entra chez le ro i, & fça-
chant qu’il entendoit la meiTe à la chapelle , il y
a lla , & s’approchant du ro i, il lui dit hardiment :
Donnez-moi un baifer. Vous ne.l’avez pas mérité,
répondit le roi. Je l’ai mérité,réprit l’évêque, parce
que je fuis venu de loin vous trouver. Vous me
devez un baifer; & il le tiroit avec force par fon
manteau. Le roi fef>ai.ifa enfefoûriant & lui donna
le baifer,
Les évêques & les autres aiïiftans, voyant Hugues
triompher ainfi du r o i , étoient hors d’eux-
mêmes d’étonnement ; & le roi voyant fa fermeté,
& que laiflant la place des évêques, il s’etoit mis
près de l’autel pour prier avec plus de liberté; commença
à le refpeéter du fond du coeur , & quand
on lui prefenta l’inftrument de paix , il le fit premièrement
porter à l’évêque de Lincolne. On attribua
à cet honneur qu’il avoir rendu au faint prélat
L 111 fij