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gai : on n en veut qu’a moi, & quand je me ferai retiré
on ne vous perfecutera plus: je m’abandonne à
la providence; ôc puifque l'Angleterre & la France
nous font fermées, il ne nous convient pas non
plus d avoir recours aux Romains, ce font des voleurs
qui pillent les miferables fans diftin&ion. Il
faut prendre un autre chemin. J’ai oüi dire que vers
la Saône ôc jufques en Provence les gens font plus
humains; j ’irai-là à pied avec un compagnon:
peut-être auront-ils pitié de nous 8c nous donneront
ils de quoi vivre jufques à ce que Dieu y
pourvoie autrement.
Comme le prélat parloit ainfi , un officier du roi
deFrance accourut 8cluidit,queleroiledemandoit.
Un des affiftans dit: C ’eftpour nouschafler duro-
ïaurne. Ne faites pas le prophète, dit l'archevêque.1
Etant arrivez chez le roi ils le trouvèrent affis, le vi-i
fage trifte , ôc il ne fe leva point devant l’archevê-i
que à fon ordinaire : ce qui parut de mauvais augure,
il les invita foiblement à s’aiTeoir, ôc ils demeurèrent
long-tems en filence , le roi aïant la
tête panchée & l’air affligé , ce qui leur faifoit croire
qu’il les chaffoit à regret. Enfin il fe leva fondant
en larmes ôc fanglotant, 8c fejettaauxpieds
de l’archevêque de Cantorberi au grand étonnement
des affiftans. Le prélat fe pancha pour relever
le roi, qui pouvantà peine parler lui dit: Mon pe-
re , vous êtes le feul qui avez vû clair , oüi vous
ê te s le feu l : nous avons été des aveugles quand
nous vous avons confeille dans vôtre çaule qui
eft celle de Dieu, d’abandonner fon honneurpouç
L i v r e S o i x a m t e - d o u z i e ’ m e . z î - j ------------------------■
contenter un homme. Je m’en repens, monpere, ^ N- U w j
& vivement : je vous en demande l’abfolution. Je
vous offre mon roïaume à Dieu 8c à vous, 8c vous
promets que tant qu’il me fera la grâce de vivre je
ne vous abandonnerai jamais, ni vous ni les vôtres.
Le prélat donna au roi l’abfolution qu ’il defiroit, 8c
fa bénediétion, 8c s’en retourna plein de joïe à Sens :
ou ce prince le défraïa rdialement jufques à ion
retour en Angleterre. La réputation de Thomas en
augmenta:on difoit dans toutlepaïsquec’étoitun
grand homme, 8c qu’il n’avoit point fon pareil en
courage 8c en prudence.
Quelques jours après le roi de France aprit que
Je roi d’Angleterre avoit déjà rompu les conventions,
qu’il venoitdéfaire àMontmirail paria médiation
, avec les Poitevins-ôc les Bretons. Ce qui
lui fit dire: O que 1 archevêque de Cantorberi eft
prudentyde nous avoir refifté àtous pour ne pas faire
fa paix comme on vouloit ! nous devrions lui a-
"voir toujours demande confeil, puifqu’il connoîr
fi bien le caraébere d’eipric de ce prince. Lë roi
Henri de fon côté manda au roi Louis : j ’admire de
quel droit vous protégez contre moi cet archevêque:
après qu’en votre prefence je me fuis humilié
comme vous favez , 8c qu’il n’a pas tenu 1
moi que je ne lui donnaiïè la paix , qu’il a refufée
arrogamtnent 8c injurieufement. Vous ne devez
pas 1 entretenir plus long-tems dans votre roïaume
n la honte de votre valTal. Loüis répondit auxen-
voïez de Henri : Dites à vôtre maître: que s’i l .ne
veut pas abandonner les coutumes qu’il dit avoir