
A n . 1187. lem> & de vanger le fang de foixante & dix mille
Mufulmans maiTacrezfans mifericorde. Lareine&
les feigneurs mandèrent au fultan que s’il ne leur
accordoit une capitulation honorable, ils fe défen-
droient jufqu’à la dcrniere extrémité ; on ne lui
confeilla pas de les réduire au defefpoir, 8c il accorda
la capitulation aux conditions fuivantes. Qu’ils
rendroient la ville en l’état où elle étoit fans rien
démolir;que lanobleife & les gens de guerre for-
tiroient en armes, 8c avec efcortepour alleràTyr,:
ou en telle autre ville qu’ils Voudroient;que le refte
du peuple fortiroit en payant par tête une certaine
ta x e , .& emportant leurs meubles, & feroient de
même conduits en fureté.
Ainfi Jerufalem fut rendue à Saladin le vendredi
fécond jour d’Oétobre 1187. qui n’étoit que lr
.quatorzième jour du iîege. Le patriarche Heraclius'
enleva tous les ornemens de fon églife, l’argenterie
dufaintfepulcre,les lames d’or & d’argent dont il
étoit couvert ; & plus de deux cent mille écus d’or;
mais les officiers du fultan s’y oppoferent, difanc
que la capitulation ne permettoit d’emporter que
les biens des particuliers. Sur quoi Saladin répondit
: Il eft vrai que nous pourrions contefter fur ces
article ; mais puifque nous avons permis aux Chrétiens
d’emporter leurs biens fans excepter ceux des
églifes , il ne faut pas leur donner fujet de fe plaindre
, ni de décrier notre religion, Les vertus que
l’on a le plus louées en ce prince, font la fidélité à
garder fa parole & la libéralité. Ilpayaâfesfoldats
la rançon de tous les foldats Chrétiens , ta les ren-
L i v r e s o i x a n t e - q u a t o r z i è m e . y Q __
voya comblez d’honneur 8c de careffes, 8c les émirs . ^
en uferent de même à fon exemple. Il traita fort civilement
la reine 8c le patriarche. Il déchargea plu-
iieurs milliers de pauvres de la taxe portée par la
capitulation , & donna de fon trefor de quoi fub-
venir aux malades pendant quelque terns. Il permit
aux chevaliers de l’hôpital de faint Jean d’y
laiffer dix d’entre-eux pour garder leurs malades
pendant un an.
Auiïi-tôt que les Chrétiens Latins furent fortis
de Jerufalem , les Mufulmans jetterent de grands
c r is , & donnèrent toutes les marques d’une extrême
joye. Ils commencèrent par abattre les croix
élevées par les premiers croifez en plufieurs quartiers
de la ville , dont la plus remarquable étoit une
grande croix de cuivre doré, pofée fur le dôme de
l ’églife des Templiers. En la votant abattre les Chrétiens
Orientaux reftez dans la ville ne purent retenir
leurs larmes ; 8c Saladin l ’envoya depuis au
calife de Bagdad , qui la reçut comme un hom-*
mage rendu au fucccffeur du prophète f la fit traîner
par les rues, fouler au pieds, couvrir de b'ouë>
& enfin enterrer au lieu où on portoit les immondices
de la ville. Saladin fit brifer les cloches d$
toutes les églifes de Jerufalem quant à l’églife
patriarcale qui avoir été la grande mofquée bâtie-
à la place du temple de Salomon , après en avoie
ôté toutes les marques du Chriftianifme , il la fiû"
laver d’eau rofe par dedans & par dehors avant que'
d’y entrer , 8c y rétablit le fervice de fa religion le
vendredi fuivant. Il y fit placer une chaire magnifi>
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