
A n . u8p.
xx.. Sédition contre
les Juifs.
Mat th. Tarif,
p. n 8 .
Jo . Brornpt, pi
Ifll
'584 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
Après la melTe fuivit le feftin folemnel, où les
évêques étoient à table avec le roi felori leur rang ,
& les feigneurs fervoient. Il avoir fait publier par
la ville, que ce jour il n’entrât dans fon palais ni
Juifs ni femmes, pour éviter les maléfices dont on
les ioupçonnoit. Toutefois pendant le repas les
premiers d’entre les Juifs vinrent apporter au roi
des prefens : dequoi un Chrétien indigné , donna
un foufflet à un Juif pour l’empècher d’entrer.
D ’ autres à fon exemple commencèrent à repouifer
les Juifs avec infulte; le peuple y accourut,& croïant
qu’on le faifoit par ordre du roi, ils fe jettererit fur
les Juifs qui étoient en grand nombre à la porte
du palais ; on commença par les coups de poing
d’où l’on vint aux pierres & aux bâtons, il y en
eut de tuez & de laiffez pour morts. Un d’entr’-
eux nommé Benoît le Juif d’Yorc fut fi maltraité,
qu’on defciperoit de fa vie ; & la crainte de la mort
le fit réfoudre à recevoir le baptême de la main du
prieur de N. Dame d'Yorc. Cependant le bruit fe
répandit par route la ville de Londres, que le roi
avoit commandé d’exterminer tous les Juifs -, ce
qui fit accourir en armes une infinité de peuple,
tant de la ville que de ceux qui étoient venus des
provinces pour le facre. On tuoit donc les Juifs,
& comme ils fe retiroient dans les maifons fortes
on y mettoit le feu. Le roi qui étoit encore à table
aïant appris cedéfordre, envoïa pourl’appaifer
quelques- uns des principaux feigneurs ; mais n’étant
point écoutez par le peuple en furie, ils furent contraints
de fe retirer.
L l V R E SOIXANTE-QUATÔRZIE’MEi
Le lendemain le roi fit prendre quelques-uns “ -
ides coupables, dont trois furent pendus pour A n . 1185.
avoir mis le feu , dont des maifons de Chrétiens
avoient été brûlées. Puis il fe fit amener le Ju if qui
avoit été baptifé,& lui dcmandas’il étoit Chrétien.
Celui-ci repondit que n o n , mais que pour éviter
la mort, il s etoit laiffe faire par les Chrétiens ce
qu’ils avoient voulu. Le roi demanda à l'archevêque
de Cantorberi, en prefence de plufieurs autres
eveques , ce qu’il falloir faire de cet homme ; & le
prélat repondit en colere : S’il ne veut pas être à
Dieu , qu’il foit au diable. Benoît retourna donc s^ ‘r-
au Judaifme, &c mourut peu de temps après : mais
ni les Juifs ni les Chrétiensne voulurent l’enterrer
parmi eux. Enfuite le roi envoïa fes lettres par
toutes les comtez d’Angleterre , pour défendre
que 1 on fît aucun mal aux Juifs j mais avant que
cet ordre fut publié, plufieurs villes avoient fuivi
1 exemple de Londres, plûrôt par avidité du gain,
que par zele de religion. Plufieurs Juifs, pour éviter
ces violences , reçûrent le baptême, & époufe-
rent leurs femmes à la maniéré des Chrétiens.Tous
les Juifs d’Yorc périrent au mois de Mars de l’an-
nee fuivante u p o . Le vendredi avant le dimanche
des Rameaux, qui étoit lefeiziéme du mois, ces
Juifs au nombre de cinq cens, fans compter les
femmes & les enfans, par la crainte des Chrétiens,
s enfermèrent dans la tour malgré le capitaine & le
vicomte jàqui ils refuferent de la rendre ; & ceux-
ci exciterent le peuple à les attaquer. Les Juifs fe
voiant preffez jour & n u it, offrirent une grande
Tome X F ', E e e e