
A n . 1178.
Roger.p. 575.
Rob. de Monte,
trnn. 1178.
Èp. H.Claraval.
efÆÊmjtfii
4 4 ^ H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q j j e .
ouvrirai les villes, je mettrai en fon pouvoir les
bourgs & les châteaux, je lux montrerai les hérétiques,
& je 1 aiderai jufqucs a répandre mon fang
pour ccrafer les ennemis de J. C .
Sur cet avis le roi de France & le roi d’A n gleterre,
après avoir fait leur paix, réfolurent erî
1178. daller en perfonne pour chafler ces hérétiques
de la province de Touloufe : mais quelque
temps après ils jugèrent plus à propos de ne pas commettre
leur autorité, 8c d’envoïer des hommes
fçavans 8i capables de les convertir. Ils y en voïerent
le légat Pierre cardinal du titre de S. Chryfogone ,
Guerxn archeveque de Bourges, Pons archevêque
de Narbonne, Renaud évêque de Bach en Angleterre
, Jean évêque de Poitiers & Henri abbé de
Clairvaux ; avec pluiieurs autres eccleliaftiques ,
pour ramener ces hérétiques ou du moins les convaincre
8c les condamner. Et pour prêter main-forte
aux prélats & exécuter leurs jugemens, les deux
rois choifircnt Raimond , comte de Tou lou fe , le
vicomte de Turenne, Raimond de Caftelnau 8c
d’autres feigneurs.
Le légat & les autres prélats étant arrivez à Tou loufe,
y trouvèrent que le chef des hérétiques éto ii
un nomme Pierre Moran homme avancé en â g e ,
quiavoit deux châteaux, un dans la ville & l’autre
dehors, de grandes richeiTes, beaucoup de païens
& d amis, 8c etoit diftingué entre les plu®
confiderables de la ville. Il le difoit S, Jean l’évan-
gelifte, & feparoit le verbe qui étoic en Dieu au;
commencement d’avec un autre principe, comms
L i v r e s o i x a n t e - t r e i z i e ’m e . 4 4 7
d’avec un autre Dieu. Quoiqu’il fut laïque & ignorant
ils le regardoient comme leur doéteur, ilss’af-
fembloicnt chez lui les nuits & il les prêchoit revêtu
d’une efpece de dalmarique. Il étoit tellement craint
que perfonne n’ofoit lui reiîfter, & les hérétiques
étoient il infolens, que quand les prélats catholiques
entrèrent à Touloufe, ils fe mocquoient d’eux
publiquement dans les rues , les montroient au
doigt 8c les appelloient hautement apoftats, hypocrites
& hérétiques. Mais quelques jours après un
des catholiques aïant eu ordre de prêcher devant le
peuple, les hérétiques commencèrent à fe cacher j
& ils réfolurent entr’eux, que s’ils étoient interrogez
juridiquement ils feindroient de croire tout ce
que croient les catholiques.
Enfuite par ordre du légat l’évêque de Touloufe,
quelques-uns du clergé , les confuls 8i d’autres
catholiques jurèrent de dénoncer par écrit aux
commiifaires tous ceux qu’ils connoîtroient infectez
de cette héréfie,fans épargner perfonne ; & comme
la lifte groififloit tous les jours, Pierre Moran
s’y trouva entre les autres. Les commiifaires réfolurent
de commencer leurs procédures par lui ; 8c
le comte de Touloufe envoïa des fergens l ’appeller.
Il méprifa la première citation, mais le comte
moitié par crainte moitié par douceur fît enforte
de 1’ amener. Alors un des commiifaires lui dit :
Pierre, vosconcitoïensvous accufenc d’être tombé
dans l’héréfie Arienne , car pluiieurs nommoient
ainfi ces Manichéens, & d’y entraîner les autres.
Pierre Moran jettant un grand foupir, protefta