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t. x6.
«38 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
' une infigne v i& o ir e , q u il remporta peu de tems
' après. La meflfe étant finie, Hugues mena le roi
derrière l’autel, pour lui parler avec plus de liberté
; & s’étant aifis auprès de lu i , il lui dit : Dites-
moi comment va votre confidence, car vous êtes
de mon diocefe, & je rendrai compte de Vous au
jugement de Dieu. Le roi répondit : Ma confidence
eft en aifiez bon é ta t, fi ce n’eft la jaloufie qui me
tourmente contre les ennemis de mon roïaume.
Que dites-vous > reprit Hugues d’un ton de re-
proche.N’opprimcz-vous pas cha'que jour les pauJ
vres 5 n’affligez-vous pas les innocens ? ne chargez*,
vous pas votre peuple d’exadions ? Déplus, le bruit
court que vous avez violé la foi conjugale. Ces
pechez vous paroiffent-ils légers ? A ces paroles de
l ’évêque,le roi fut tellement épouvanté, qu’il n’o-
fa ouvrir la bouche ; & le prélat ayant continué de"
lui faire une forte réprimandé, il s’exeufa humblement
fur quelques articles, d e m a n d a pardon des
autres & promit de s’en corriger. Enfuite il repre-
fenta au roi devant toute l’aiTemblée qu’étant paf-
teur il n’avoit pu confentir a la vexation de fes
ouailles ; & le roi reçût fa juftification , fe tenant
encore heureux, qu’il ne pouffât pas plus loin la
corredion. Quand il fut parti le roi fe tournant
vers les fiens, dit : Si tous les évêques étoient tels,
les rois ni les feigneurs n’auroient aucun pouvoir
contre-eux.
Le faint évêque défendit feverementà fes archidiacres
, & aux autres fuperieurs d’éxiger des pécheurs
des amendes pecuniàires ; & comme ils lui
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reprefentoient que les méchans craignoient plus la ------------*
perte de leur argent, que la honte de l’excommu- n i 1/-
nication , il répondit : C ’eft votre fau te , vous négligez
de leur faire accomplir leurs penitences, &
n’avez foin que de leur faire payer les fommes qu’ils
ont promifes. Ils lui alléguèrent l’exemple defaint
Thomas de Cantorberi, qui en avoit ainfi ufé ; &
il leur répondit : C ro y e z -m o i, ce n’eft pas ce qui
l’a rendu faint. Il ôta entièrement toutes les exactions,
que fes predeceffeurs avoient introduites
fous des prétextes fpecieux. Ils étoient convenus R„s„ f: 7J,;
avec le roi de lui donner tous les ans un manteau
fourré de martes Zibelines, à condition d’en lever
le prix fur le peuple ; & s’il y avoit de l’excedant le
garder pour eux , comme pour la peine de la collecte
, ce qui avoit paffé en coutume depuis plu-
fieurs années : mais Hugues délivra fon diocefe
de cette fervitude, moyennant mille marcs d’argent
qu’il d o n n a au roi.
, En faifant fa vifite dans les maifons religieufes
de fon diocefe l’an 1191. il vintà l’abbaye des filles R^r p. yu.
de Godeftove, & étant entré dans l’églife pour faire
fa prière , il vit au milieu du choeur devant l’autel
un tombeau élevé, couvert de tapis de foye ,
& entouré de lampes & de cierges. Il demanda
de qui c’étoit ; on lui dit que c’étoit la tombe de
Rofemonde maîtreffe du roi Henry II. qui pour
l ’amour d’elle avoit fait de grands biens à cette
églife. Hugues répondit : c’étoit une proftituée ,
ôtez-la d’ici & l'enterrez hors l’églife avec les autres
, de peur que la religion Chrétienne ne tourne