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fit donc publier de par le roi défenfe de moleflcT
en leurs perionnes les gens de l’archevêque, ni de
touchera fes biens ; & auffi-tôt Roger archevêque
d'Yore , Gilbert évêque de Londres, Roger de
Vorcheftre , Hilaire de Chichcitre, 8c Barthele-
mi d’Exceifre Te mirent en chemin, pour aller trouver
le pape avec quelques clercs de la cour, 8c quelques
ieigneurs députez de la part du roi. Ils alloient
à grand appareil & chargez de grands préiens pour
Signer la cour de Rome. A î Cepen J iiu l’archevêque Thomas marchoit pair
des chemins détournez , accompagné d’un religieux
de l’ordre de Sempringam 8c du doéteur
Hebert de Bofchaim , qui lui iervoit de guide, il
aruva premièrement à Lincolne, puis à un lieu
nomméI herrriitage dépendant de Sempringam, ou
il fejourna trois jours pour reprendre des forces.
De-làmarchant toujours de nuit il vint juiqu’à la
m er, s’embarqua le jour des Mortsiecond de N o vembre
dans une barque, & arriva à Boulogne lui
quatrième. Il alloit à pied portant un habit blanc
de moine, 6c le faifant nommer frere Chrétien-,
mais comme il étoit fatigué de la m er, 8c peu accoutumé
à marcher ainfi par la pluïe Sc par la
bouë , après avoir fait un peu de chemin , il fe
coucha parterre 8c dit à fes compagnons : U faut
que vous me portiez , ou que vous me cherchiez
une voiture. Ils lui trouvèrent un ch ev a l, qui n’a-
voit ni Telle ni bride , mais feulement un licou:
ils mirenc leurs manteaux deflus 8c l’y firent monter.
Un peu après ils trouvèrent des gens arm ez,
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qui demandèrent s’il étoit l’archevêque deCantor-
beri. Il leur répçmdic : Lit ce là l’équipage de cet '
archevêque : 8c ils ne le reconnurent point.
Il arriva le loir à Graveline 8c fe mit à table avec
fes trois compagnons,qui lui donnèrent la derniere
place , 8c affedoient en tout de le faire paroître
comme le moindre d’entre eux. Toutefois i’hote remarqua
qu’il le diftinguoit des autres par fa bonne
mine 8c par fes maniérés nobles. Il étoic de belle
taille,avoir le front large,le regard fevere, levifage
long, les mains belles 8c grandes ; 8c il donnoit aux
enfans 8c aux gens de la rnaifon du peu qu’il y avoit
fur la table. Comme lebruit s’étoit déjà répandu de
la fuite du prélat, l'hôte ayant fait ces obfervations,
tira fa femme à part 8c lui dit ce qu’il foupçonnoit.
La femme impatiente alla auffi- tôt voir le prélat à
table, 8caprès l’avoir un peu regardé,*elle revint
en fouriant dite à fon mari : C ’eft luiaffûrement.
Auffi-tôt elle alla chercheravecempreifemenc des
noix, des pommes, du fromage , 8c les mit devant
le frere Chrétien, qui eue mieux aimé n’être pas fi
bien fervi. Api es le fouper l’hôte s’approcha de luiôc
ne voulut jamais saffeoir qu’à terre à fes pieds : puis
il dit: Seigneur je rends grâces à Dieu de ce que
vous m’avez fait l’honneur d'entrer chez-moi. Et
qui fuis- je donc, dit le prélat, ne fuis-je pas un pauvre
frere nommé Chrétien ? L’hôte reprit: Aifuré-
ment quelque nom qu’on vous donne je fai que
Vous êtes l'archevêque de Cantorberi. Le prélat ne
pouvant plus diffimuler, carefia l’hôte de peur qu’il
nele découvrit,8c l’emmena le lendemain avec lui.
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