
j i 4 H i s t o i r e ^ E c o l e s i a s t i q u e.
pelerinage de _Rome, 8c celui de Jerufalem nuds
pieds , puis étant revenu en fon pais , il le retira en
un lieu folicaire nommé Finchale, près dcDurham
où il cultivoit un petit champ dans les bois', & en
tiroit de quoi fe nourrir 8c exercer l’hofpitalité. Les
moines de la cathédrale de Durham connoiffanc
la pureté de fa vie,députerentundeleurs anciens
pour l’inftruire 8c lui adminiftrer les faintsmyfte«
res à certains jours. Le démon l ’attaqua par diver-:
fes tentations, qu il iurmonta par fafpi 8c fon cou--
rage. Sa mortification étoit incroïable. Il porta, cin-:
quante ans durant une chemife de mailles .fous fon
cilice ,8c un habit de laine par deifus. Sa nourriture
étoit du pain d’orge mêlé de cendres , 8c des
herbes fauvages cuites 8c roulées par pelotons. Il
ne parlait que trois fois la femaine 8c gardoit le fi-,
lence pendant tout l’A v en t, 8c depuis la feptuage-
iîme jufques a l’oebave de Pâques: mais quand i l
parloit , c’étoic avec grande édification.. Il pailh
ainfi foixante ans dans fon defert.
Un moine d’Oiieftmunfter l ’étant venu voir peu
de tems après que Thomas eutété ordonné archevêque
de Cantorberi, lefainthomme lui demanda
s’il étoit connu du nouveau prélat. Oiii,, répond
it - il, je le connois, 8c il me connoît: mais vou^,'
mon pere, le connoiflez-vous ? Godric répondit : Je
ne l’ai jamais vû des yeux du corps, mais fouvenc
de ceux de l’e fp r it, 8c Ci je le voïois jelereconnoî-:
trois entre plufieurs autres. Le moine furpris de.ee
difeours n’ofoit l’interroger, 8c il ajouta : Saluez-le
-■de m a p a r t , ôc lui dites, qu’il n’abandonne pas ion
E i v r e S o i x a n t ï - d o u z i e ’me. 315
defléin car il eft agréable à Dieu. Il fouifrira de ru-
dés traverfes, on le chaffera de fou e g life , & il fera
long-tems exilé en pais étrangers : mais après avoir
adhevé le tems de fa pénitence, il rentrera dans
fon fiége avec plus d’honneur qu’i l n’en fera foi ci.
Le moine raporta ce difeours à l ’archevêque , qui
écrivit à Godric , le priaae de demander a Dieu la
iremiffion de fes pechez. Dans les fix mois arriva
fon différend avec le ro i, iôcfon exil: pendant lequel
il fit encore confulter Thomme dé Dieu.
Cette derniere année, c’eft-à-dire au mois de
Mars 1170. l’archevêque fatigué de la longueur de
Îbn e x il, envoïa fecrettement à Godrie, lui deman-
der quelle feroit la fin de les maux. L’envoie fut
près de huit jours fans pouvoir parler au faint ermite
: qui enfin lui fit ouvrir fa porte 8c lui die ;.
Dites à vôtre maître qu’il ne fe trouble point: il
Centrera bien-tôt dans les bonnes grâces du roi : i l
fera rétabli avec honneur dans fon é g life , 8c les
Anglois en auront plus de joie qu’ils n’ont été affligez
de fon exil. Il eft vrai que cette ferenité
feinte fera troublée par une injuftice, 8c une cruauté
inoüie : mais Godric ne fera plus en ce monde
: dites lui encore, Sc lui repetezque dans neuf
mois ce qui le regarde fera entièrement fini. Godric
fit plufieurs autres prédirions que l’évene-
ment vérifia , 8c découvrit fouvent les penfées fe-
crettes : il guérit des malades 8c fit plufieurs autres
miracles. Enfin accablé de vieilleife 8c d’infirmi-
te z , il mourut le jeudi de l’oiSfeavedel’Afcenfioa
vingt-uniéme d’Avril 1170.
Rr ij.