formité des lois de la nature , 6^par l’irtcapacite de
la matière à fe mouvoir d’elle-meme, que cette eau-
fe, quoique non apparente, n’en eft pas moins reelle.
a°. Quoiqu’il n’y ait point de corps qui conferve
éternellement fon mouvement, parce qu’il y a toujours
des caufes qui le rallentiffent peu-à-peu, comme
le frôlement & la ré-Mance de l’air ; cependant
nous, voyons qu’un corps en mouvement y perfifte
d’autant plus long-tems , que les caufes qui retardent
cé mouvement font moindres : d’ou nous pouvons
conclure que le mouvement ne finiroit point les forces
retardatrices étaient milles.
L ’ëxpérience journalière de la pefanteur femble
démentir le premier de ces deux principes. La multitude
a peine à s’imaginer qu’il foit néceflaire qu’un
corps foit pouffé vers la terre pour s’en approcher ;
accoutumée à voir tomber un corps dès qu’il n eft
pas foûtenu, elle croit que cette feule raifon fuffit
pour obliger le corps à fe mouvoir. Mais une réflexion
bien Ample peut defabufer de cette opinion. Qu’on
place un corps fur une table horifontale ; pourquoi
ce corps ne fe meut-il pas horifontalement le long de
la table, puifque rien ne l’en empêche ? pourquoi ce
corps ne fe meut-il pas de bas en-haut, puifque rien
n’arrête fon mouvement en ce fens ? D on c, puifque
le corps fe meut de haut en-bas, &c que par lui-meme
il eft évidemment indifférent à fe mouvoir dans un
fens plutôt que dans un autre, il y a quelque caufe
qui le détermine à fe mouvoir en cefens.^Ce n’eft
donc pas fans raifon que les Philofophes s’étonnent
de voir tomber une pierre;& le peuple^qui rit de leur
étonnement, le partage bien-tot lui-meme pour peu
qu’il refléeniffe.
Il y a plus : la plupart des corps que nous voyons
fe mouvoir, ne font tirés du repos que par l’impul-
lion vifible de quelque autre corps. Nous devons
donc être naturellement portés à juger que le mouvement
eft toûjours l’effet de' l’impulfion : ainfi la
première idée d’un pbilofophe qui voit tomber un
corps, doit être que ce corps eft pouffé par quelque
fluide invifible. S’il arrive cependant qu’après avoir
approfondi davantage cette matière, on trouve que
la pefanteur ne puiffe s’expliquer par l’impulfion d’un
fluide, ôc que les phénomènes fe refufent à cette hy-
pothèfe ; alors le philofophe doit fufpendre fon jugement
, & peut-être même doit-il commencer à croire
qu’il peut y avoir quelque autre caufe du mouvement
des corps que l’impulfion ; ou du moins (ce qui
eft auffi contraire aux principes communément re-
çûs) que l’impulfion des corps, & fur-tout de certains
fluides fnconnus, peut avoir des lois toutes différentes
de celles que l ’expérience nous a fait découvrir
jufqu’ici. yoye^ A t t r a c t i o n .
Un favant géomètre de nçs jours (Voye% Euleri
opufcula , Berlin, 1746. ) prétend que l’attraôion,
quand on la regarde comme un principe différent de
l’impulfion, eft contraire au principe de la force
d'inertie, & par conféquent ne peut appartenir aux
corps; car, dit ce géomètre, un corps ne peut fe
-donner le mouvement à lui-même, & par confe-
quent ne peut tendre de lui-même vers un autre
corps, fans y être déterminé par quelque caufe.
Il fuffit de répondre à ce raifonnement, i° . que la
tendance des corps les uns vers les autres, quelle
qu’en foit la caufe, eft une loi de la nature conftatée
parles phénomènes. Voye^G r a v i t a t io n . 20. Que
fi cette tendance n’eft point produite par l’impul-
fion, ce que nous ne décidons pas, en ce cas la pré-
fence d’un autre corps fuffit pour altérer le mouvement
de celui qui fe meut ; & que comme l’a&ion de
l’ame fur le corps n’empêche pas le principe de la
force d'inertie d’être vrai, de même l’aûion d’un corps
fur un autre, exercée à diftance ,.ne nuit point à la
yérité de ce principe, parce que dans l’énoncé de ce
principe on fait abftraftion de toutes les caufes
(quelles qu’elles puiffent être) qui peuvent altérer
le mouvement du corps , foit que nous puiffions
comprendre ou non la maniéré d’agir de ces forces.
Le même géomètre va plus loin ; il entreprend de
prouver que la force £ inertie eft incompatible avec
la faculté de penfer, parce que cette derniere faculté
entraîne la propriété de changer de foi-même fon
état ; d’où il conclut que la force d'inertie étant une
propriété reconnue de la matière, la faculté de pen-
ler n’en fauroit être une. Nous applaudiffons au zele
de cet auteur pour chercher une nouvelle preuve d’une
vérité que nous ne prétendons pas combattre : cependant
à confidérer la chofe uniquement en philo-,
fophes, nous ne voyons pas que par cette nouvelle
preuve il ait fait un grand pas en Métaphyfique. La
for ce d'inertie n’a lieu , comme l’expérience le prouve
, que dans la matière brute, c’eft - à - dire dans la
matière qui n’eft point unie à un principe intelligent
dont la volonté la meut : ainfi foit que la matière reçoive
par elle-même la faculté de penfer (ce que
nous fommes bien éloignés de croire), foit qu’un
principe intelligent & d’une nature différente lui foit
un i, dès-lors elle perdra la force d'inertie, ou , pour
parler plus exactement, elle, ne paroîtra plus obéir à
celle force. Sans doute il n’eft pas plus aifé de concevoir
comment ce principe intelligent, uni à la matière
& différent d’elle, peut agir fur elle pour la
mouvoir, que de comprendre comment la force d i-
nertie peut fe concilier avec la faculté de penfer, que
les Matérialiftes attribuent fauffement aux corps :
mais nous fommes certains par la religion, que la
matière ne peut penfer ; & nous fommes certains par
l’expérience, que l’ame agit fur le corps. Tenons-
nous-en donc à ces deux vérités inconteftables, fans
entreprendre de les concilier.
F o r c e v iv e , ou F o r c e d e s C o r p s en m o u v
e m e n t ; c’eft un terme qui a été imagine par M.
Leibnitz, pour diftinguer la force d’un corps actuellement
en mouvement, d’avec la force d’un corps qui
n’a que la tendance au mouvement, fans fe mouvoir
en effet : ce qui a befoin d’être expliqué plus au long.
Suppofons, dit M. Leibnitz, un corps pefant appuyé
fur un plan horifontal. Ce corps fait un effort
pour descendre ; & cet effort eft continuellement arrêté
par la réfiftance du plan ; de forte qu’il fe réduit
à une fimple tendance au mouvement. M. Leibnitz
appelle celte force & les autres de la même nature ,
forces’mortes. >
Imaginons au contraire, ajoute le même philofo*
phe, un corps pefant qui eft jetté de Bas en haut,
& qui en montant ralentit toûjours fon mouvement
à caufe de l’a&ion de la pefanteur, jufqu’à ce qu’en-
! fin fa force foit totalement perdue , ce qui arrive
1 lorfqu’il eft parvenu à la plus grande hauteur à laquelle
il peut monter ; il eft vifible que la force de
ce corps fe détruit par degrés & fe confume en s’e^
xerçant.M. Leibnitz appelle force vive cette derniere
' force, pour la diftinguer de la pf emiere, qui naît &
meurt au même inftant ; & en général, il appelle
force vive la force d’un corps qui le meut d’un mouvement
continuellement retardé & rallenti par des
obftacles, jufqu’à ce qu’enfin ce mouvement foit
anéanti , après avoir, été fucceffivement diminué par
des degrés infenfibles. M. Leibnitz convient que la
force morte eft comme le produit de la maffe par la
vîteffe virtuelle, c’eft-à-dire avec laquelle le corps
tend à fe mouvoir, fuivant l’opinion commune.
Ainfi pour que deux corps qui fe choquent ou qui fe
tirent directement,fe faffent équilibre, il faut que le
produit de la maffe par la vîteffe virtuelle foit le même
de part & d’autre. Or en ce cas, la force de chacun de
ces deux corps eft une force morte, puifqu’elle eft arrêtée
rêtée tout-à-la-fois & comme en fon entier par une
force contraire. Donc dans ce cas, le produit de la
maffe par la vîteffe doit repréfenter la force. MaisM.
Leibnitz foûtient que la forcevive doit le mefurer autrement
, & qu’elle eft comme le produit de la maffe
par le quarré de la vîteffe ; c’eft-à-dire qu’un corps
qui a une certain e force lorfqu’il fe meut avec une v îteffe
donnée , aura une force quadruple, s’il fe meut
avec une vîteffe double ; une force neuf fois auffi
grande, s’il fe meut avec une vîteffe triple, &c. &
qu’en général, fi la vîteffe eft fucceffivement 1,2,3,
4, &c. la force fera comme 1 , 4 , 9 , 16, &c. c ’eft-à-
dire comme les quarrés des nombres 1 , 2 , 3 ,4 : au
lieu que fi ce corps n’étoit pas réellement en mouvement
, mais tendoit à fe mouvoir avec les vîtef-
fes 1 , 2 , 3 , 4 , &c. fa force n’étant alors qu’une force
morte, feroit comme 1 , 2 , 3 , 4 , &c.
Dans le fyftème des adversaires des forces vives
, la foree des corps en mouvement eft toûjours
proportionnelle à ce qu’on appelle autrement quantité
de mouvement, c’eft-à-dire au produit de la maffe
des corps par la vîteffe ; au lieu que dans le fyftème
oppofé, elle eft, le produit de la quantité de mouvement
par la vîtefle.
Pour réduire cette queftion à fon énoncé le
plus fimple , il s’agit de lavoir fi la force d’un corps
qui a une certaine vîteffe, devient double ou quadruple
quand fa vîteffe devient double. Tous les Mécha-
niciens avoient crû jufqu’à M. Leibnitz qu’elle étoit
Amplement double : ce grand philofophe foûtint le
premier qu’elle étoit quadruple ; & il le prou voit par
le raifonnement fuivant. La force d’un corps ne fe
peut mefurer que par fês effets & par les obftacles
qu’elle lui fait vaincre. Or fi un corps pefant étant
jetté de bas en haut avec une certaine vîteffe monte
à la hauteur de quinze piés, il doit, de l’aveu de
tout le monde, monter à la hauteur de éopiés, étant
jetté de bas en haut avec une vîteffe double, voye^
A c c é l é r a t io n . Il fait donc dans ce dernier cas
quatre fois plus d’effet, & furmonte quatre fois plus .
a’obftacles : fa force eft donc quadruple de la premier
re. M. Jean Bernoulli, dans fon difeoursfuries lois de
la communication du mouvement, imprimé en 1726,6c
joint au recueil général de fes oeuvres , a ajoûté à
cette preuve de M. Leibnitz une grande quantité
d’autres preuves. Il a démontré qu’un corps qui ferme
ou bande un reffort avec une certaine vîteffe ,
peut avec une vîteffe double,fermer quatre refforts
lemblables au premier ; neuf avec une vîteffe triple,-
&c. M. Bernoulli fortifie ce nouvel argument en faveur
des forces vives, par d’autres obfervations très-
curieufes & très-importantes, dont nous aurons lieu
de parler plus b a s ,à l ’article C o n s e r v a t io n des
F o r c e s v iv e s . Cet ouvrage a été l’époque d’une
efpece de fchifme entre les fa vans fur la mefure des
forces. .
La principale réponfe qu’on a faite aux obje&ions
des partifans des forces vives, voye^ les mém. de l'académie
de 1 7 2 8 , confifte à réduire le mouvement retardé
en uniforme, 6c à foûtenir qu’en ce cas la force
•n’eft que comme la vîteffe : on avoue qu’un corps qui
parcourt quinze piés de bas en haut, parcourra foi-*
xantc piés avec une vîtefle double : mais on dit qu’il
parcourra ces foixante piés dans un tems double
du premier. Sifon mouvement étoit uniforme, il parcourrait
dans ce même tems double cent vingt piés,
v o y c { A c c é l é r a t io n . Or dans le cas où il parcour-
roit quinze piés d’un mouvement retardé, il parcourrait
trente piés dans le même tems ,6c foixante
pies dans un tems double avec un mouvement uniforme
: les effets font donc ici comme 120 6c 60, c’eft-à-
dire comme 2 8c 1 ; & par conféquent la force dans le
premier cas n’eft que double 'de l’autre , 6c non pas
quadruple. Ainfi ,conçlut-on. un çorps pefant par*
Tome V II. a r r r
court quatre fois autant d’efpace avec une vîteffe
double, mais il leparcourt en un tems double ; 6c cela
équivaut à un effet double 8c non pas quadruple. II
fa ht. donc » dit-on ,divifer l’efpace par le tems pour
avoir l’effet auquel la force eft proportionnelle, & non
pas faire la force proportionnelle à l’efpace. Les dé-
fenfeurs des forcesvives répondent à cela, que la nature
d’une force plus grande eft de durer plus long-
tems ; 6c qu ainfi il n’eft pas furprenant qu’un corps
pefant qiu parcourt quatre fois autant d’efpace, le
parcoure en un tems double: que l’effet réel de la
foret eft de faire parcourir quatre fois autant d’efpace 2
que le plus ou moins de tems n’y fait rien ; parce que
ce plus ou moins de tems vient du plus ou moins de
grandeur de la force ; 8c qu’il n’eft point vrai de dire,
comme il paraît réfulterde la réponfe de leursadver-
faires, que la force foit d’autant plus petite, toutes
chofes d’ailleurs égales, que le tems eft plus grand j
puifqu’au contraire il eft: infiniment plus naturel de
croire qu’elle doit être d’autant plus grande qu’elle
eft plus long-tems à fe confumer.
Au refie, il eft bon de remarquer que poürfuppo-
fer la force proportionnelle au quarré de la vîtefle, il
n’eft pas néceflaire, félon les partifans des forces vives
, que cette force fe confume réellement 6c aéhiel-
lement^ en s’exerçant ; il fuffit d’imaginer qu’elle
puiffe être confumée 6c anéantie peu-à-peu par degrés
infiniment petits. Dans un corps mû uniformé*
ment,Iayôrce n’en eft pas moins proportionnelle au
quarré de la vîteffe, félon ces Philofophes, quoique
cette force demeure toûjours la même ; parce que
fi cette yôrcôs’exerçoitcontre des obftacles qui la con-
fumaffent par degrés, fon effet feroit alors comme le
quarré de la vîteffe.
Nous renvoyons nos îeéieurs à ce qu’on a écrit
pour & contre les forces vives dans les mémoires de
l'acad. 1 7 x 8 , dans ceux de Petersbourg, tome I . 8e
dans d’autres ouvrages. Mais au lieu de rappeller ici
tout ce qui a été dit fur cette queftion, il ne fera peut*
être pas inutile d’expofer fuccinétement les principes
qui peuvent fervir à la réfoudre.
Quand on parle de la force des corps en mouvement,
ou l’on n’attache point d’idée nette au mot que
l’on prononce, ou l’on ne peut entendre par-là en
général que la propriété qu’ont les corps qui fe meuvent
, de vaincre les obftacles qu’ils rencontrent,
ou de leur refifter. C e n’eft donc ni par l’efpace qu’un
corps parcourt uniformément,ni par le terrts qu’il employé
à le parcourir, ni enfin par la confidération
fimple, unique, & abftraite de fa maffe 8c de fa v îteffe
, qu’on doit, eftimer immédiatement la force /
c eft uniquement par les obftacles qu’un corps rencontre
,& par la réfiftance que lui foht ces obftacles.'
Plus l’obftacle qu’un corps peut vaincre , ou auquel
il peut réfifter, eft confidérable, plus on peut dire que
fa foret eft grande ; pourvû que-fans vouloir repréfenter
par ce mot un prétendu être qui réfide dans le '
corps, on ne s’en ferve que comme d’une maniéré
abrégée d’exprimer un fait ; à-peu-près comme on
dit,qu’un corps a deux fois autant de vîteffe qu’un
autre, au lieu de dire qu’il parcourt en tems égal deux:
fois autant d’efpace, fans prétendre pour cela que ce
mot de vîteffe repréfente un être inhérent au corps.
Ceci bien entendu, il eft clair qu’on peut oppofer
au mouvement d’un corps trois fortes d’ôbftacles ; ou
des obftacles invincibles qui anéantiffent tout-à-fait
fon mouvement, quel qu’il puiffe être ; ou des obftacles
qui n’ayent précifément que la réfiftance né-
ceffaire pour anéantir le mouvement du corps, 8c qui
l ’anéantiffent dans un inftant, c ’eft le cas de l’équilibre
; ou enfin des obftacles qui anéantiffent le mouvement
peu-à-peu ; c’eft le cas du mouvement retar-
. dé. Comme les obftacles infurmontables anéantiffent
également toutes fortes de mouvemens, ils ne peu